C’est à travers son humanité, à travers son corps, que Jésus vient nous toucher

  • Commentaires de la publication :0 commentaire

Homélie du 14 février 2021,
6e dimanche du Temps Ordinaire Année B

par l’abbé Gaël de Breuvand
c’est la transcription d’une prédication orale, les titres sont ajoutées ensuite

Lv Lv 13, 1-2.45-46 ; Ps 31 ; 1 Co 10,31 – 11,1 ; Mc 1, 40-45

I – Dieu s’est fait homme pour s’approcher de nous

Jésus voit le lépreux, ce lépreux s’approche de lui : « si tu le veux tu peux me purifier »… et Jésus est saisi de ‘compassion’, et c’est un mot fort : en grec, ça signifie que ses entrailles se tordent : ses entrailles, au sens féminin du terme, ce cœur de mère qui appartient à Dieu ; Jésus est troublé, touché, plein de compassion ; et Il lui dit : « je le veux, sois guéri, sois purifié ». Il le touche. Il le touche ! Et nous contemplons ce qui advient par Jésus, cet homme, qui est aussi Dieu, notre Dieu, qui s’est fait homme. Jésus vient à notre rencontre. Dieu n’a pas choisi de nous sauver en restant ce qu’Il est, invisible, pur esprit, éternel ; non : Il est entré dans notre histoire, Il est entré dans notre temps. Il a connu notre vie humaine, avec toutes ses complexités, jusqu’à la mort, et la mort sur la croix. Et c’est à travers son humanité, à travers son corps, qu’il vient nous toucher, qu’il vient toucher ce lépreux. Et de fait, comme il est Dieu, sa divinité déborde, et accomplit des miracles. Des miracles, il y en a un paquet dans l’Évangile, et, chaque fois, de son humanité rayonne sa divinité. On ne voit pas – sauf une fois – on ne voit pas cette divinité. Et pourtant, elle accomplit des merveilles, elle recrée : cet homme lépreux, il était blessé, il n’était plus dans son état de création ; et voilà que Dieu, le Christ, lui redonne sa plénitude d’humain. Vous l’avez entendu en première lecture : les lépreux étaient vraiment mis à l’écart, hors de la communauté, parce que c’était dangereux – peut-être qu’on surévaluait un peu le danger, d’ailleurs – et grâce à l’action de Jésus, cet homme peut revenir dans la communauté. Jésus, qui – c’est le mystère de l’Incarnation – se fait homme et qui choisit cette humanité, son propre corps, pour nous rencontrer…

II – Les sacrements, quand Jésus nous touche

            A – Eucharistie

Et à partir de cette idée-là, nous allons parler de « sacrement ». Parce que, qu’est-ce que c’est qu’un sacrement ? C’est la manière que le Christ a choisie pour nous toucher aujourd’hui. Il est toujours saisi de compassion en nous voyant, et Il veut venir à notre rencontre. Et, vous le savez, il y a un « sacrement du Corps du Christ ». Ce sacrement du Corps du Christ, Anaïs va le recevoir pour la première fois aujourd’hui. Et parmi nous, il y en aura qui vont le recevoir pour la deuxième,  dixième,  millième fois de leur vie, cent-millième fois – non, peut-être pas, ça fait beaucoup ! – mais de fait , nous ne pouvons pas nous lasser de recevoir l’Eucharistie, ce Corps du Christ ; parce que Jésus vient nous toucher à l’aide de son Corps ; on pense à ce « sacrement de l’Eucharistie », et on dit que l’Eucharistie, ce Corps du Christ que l’on reçoit, fait de nous – comme le baptême – des membres d’un même Corps : le Corps de Jésus ‘continué’, qu’on appelle l’Église : l’Église est le Corps du Christ. C’est la manière que Jésus a choisie pour venir nous rencontrer aujourd’hui, pour diffuser sa Parole, pour prendre soin des pauvres et des fragiles, pour pouvoir louer, honorer, servir, prier, le Seigneur. On a chanté aujourd’hui « Chantez, priez, célébrez le Seigneur ! » C’est l’Église… et de fait, qui est l’Église ? Eh bien, c’est nous ! Grâce à nous ? Non, ce n’est pas grâce à nous ! C’est parce que Jésus vient à notre rencontre, Il se donne, avec son Corps.

            B – Onction des malades

Ça, c’était le premier sacrement dont je voulais vous parler. Mais il y en a un deuxième qui nous est donné aujourd’hui dans cet Évangile : Jésus vient toucher un malade. Et Il donnera ensuite consigne à ses apôtres : « allez, imposez-leur les mains, guérissez-les, donnez-leur la grâce de Dieu, le pardon de Dieu, l’amour de Dieu. » Et saint Jacques précisera comment il faut faire. On appelle ce sacrement le « sacrement des malades » ; un sacrement qu’il s’agit de recevoir… quand on est malade… donc vivant…pas quand on est déjà mort ! On l’a appelé pendant longtemps « l’extrême onction », parce qu’on attendait le dernier moment pour le recevoir, en se disant « c’est un cadeau qui pardonne les péchés   – et c’est vrai ! – du coup, si je le reçois au dernier moment, ça va me permettre d’être pardonné de tous mes péchés… » Oui… Mais c’est d’abord un sacrement des malades ; autrement dit, ceux qui souffrent reçoivent un contact du Christ qui les aide, qui les relève.

Et ce relèvement, il est de trois sortes : il y a parfois – pas toujours – la guérison, comme pour ce lépreux ; et puis il y a aussi – et c’est peut-être le fruit principal de ce sacrement : la patience, l’acceptation, en tous cas la sérénité dans l’épreuve pour pouvoir lutter, pour pouvoir vivre malgré la maladie, la souffrance ; pour pouvoir aimer et se laisser aimer ; cela nous prépare aussi à entrer – et c’est ici le troisième fruit de ce sacrement – ça nous prépare à entrer paisiblement dans la joie de Dieu : oui, ça nous prépare à la mort. Ce sacrement, c’est Jésus, saisi de compassion, qui s’approche de nous, et qui vient nous toucher…et qui nous dit « je veux ton bien, je veux ta joie ».

Et ça ne s’arrête pas là : parce que le sacrement des malades, on sait ce qu’il fait ; mais, qu’est-ce qu’il est ? Tout sacrement, que ce soit le baptême, que ce soit la confirmation, que ce soit l’eucharistie, que ce soit le mariage, que ce soit le sacrement de réconciliation, que ce soit l’ordre, que ce soit le sacrement des malades, c’est Jésus qui vient nous toucher, pour nous faire ressembler un peu plus à Lui. Quand on se marie et qu’on reçoit le sacrement de mariage, on ressemble à Jésus époux qui nous aime à la folie ; quand on devient prêtre, on ressemble au Christ pasteur qui donne sa vie pour ses brebis ; lorsqu’on est baptisé, on devient comme Jésus prêtre, prophète, et roi, en Jésus ; et lorsqu’on reçoit le sacrement des malades, eh bien, comme Jésus, nous apprenons… à vivre la croix : Jésus est mort sur la croix, Il en a fait une offrande pour son Père et pour nous ! Eh bien, nos maladies, nous souffrances, qu’Il porte, nous pouvons nous aussi en faire un acte d’amour.  Comme ce n’est pas tout à fait de notre niveau, eh bien, le Christ vient nous toucher, nous bénir, nous combler de son amour et de sa grâce.

            C – La réconciliation

Et puis, il faut quand même parler d’un troisième sacrement : parce que le psaume est assez frappant : vous avez entendu ce psaume 31 : « Heureux l’homme dont la faute est enlevée et le péché remis ! »  Voilà : nous sommes invités à ouvrir notre cœur et à nous laisser débarrasser de notre faute, de notre péché, vous savez : tous ces petits manques d’amour, qui nous empêchent de trouver le bonheur…  « Heureux l’homme dont la faute est enlevée et le péché remis… » Il y a ce petit passage qui est une perle, qui est le sens même du sacrement de la réconciliation : « J’ai dit : je rendrai grâce au Seigneur en confessant mon péché ». Le fait même de dire à Dieu : « ce péché, que j’ai, ce manque d’amour qui me fait m’espacer, me distancer de Toi, eh bien, Seigneur, je te le donne » : cet acte-là, est pour la gloire de Dieu ; parce que je réalise deux choses : un, que Dieu m’a créé pour la joie, pour l’amour ; et en le disant, c’est déjà chanter la gloire de Dieu ; et deux, c’est que Dieu peut me pardonner, me libérer, me sanctifier…

Vous connaissez par cœur les paraboles de la miséricorde, au chapitre 15 de saint Luc : la brebis perdue, la pièce perdue et retrouvée, le fils prodigue : elles se terminent toutes par « Réjouissez-vous avec moi ». « Il y a plus de joie dans le ciel pour un pécheur qui se convertit » ; « Réjouissez-vous avec moi, car mon fils qui était mort, il est revenu à la vie ! » La joie du ciel, parce que Dieu a pu déployer sa miséricorde : « Oui, je rendrai grâce au Seigneur en confessant mon péché ! » C’est un acte d’amour que de venir déposer devant le Seigneur toutes les « mochetés » de nos vies, pour que Lui puisse nous en libérer et faire acte de miséricorde…

Je termine,

en méditant un petit peu sur ces trois sacrements où le corps est mis en œuvre : le corps dans l’Eucharistie, ce Corps que l’on reçoit pour pouvoir être un peu plus et un peu mieux « Corps de Christ » tous ensemble ; ce corps qui est touché et uni à la croix du Christ dans le sacrement des malades ; et ce corps qui est absolument nécessaire pur pouvoir accueillir le pardon de Dieu dans nos vies… Oui, nous sommes « un » de corps et d’âme, nous ne sommes pas destinés à terminer notre vie comme des purs esprits ; nous sommes créés par Dieu avec nos corps, et nous nous retrouverons avec nos corps – un jour nous mourrons, et notre corps et notre âme seront séparés – un jour nous nous retrouverons avec nos corps, ce sera le jour de la résurrection de la chair. Ce sera un jour de joie, parce que nous serons complets : dès aujourd’hui, prenons soin de nos corps, en nous rappelant qu’ils sont faits pour Dieu : ils sont faits pour la gloire de Dieu, ils sont faits pour que nous puissions aimer et nous laisser aimer : c’est cela le but de notre vie, et nous sommes invités à le faire avec notre tête et notre intelligence ; avec nos corps, avec nos cœurs, nous sommes invités à « être amour », comme Dieu lui-même.