Une histoire d’appel

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2e dimanche de Temps Ordinaire, année B
Homélie du 17 janvier 2021, par l’abbé Gaël de Breuvand
à l’occasion de la fête de saint Bonnet, en l’église Saint-Bonnet-de-Mure

1S 3, 3b-10.19
ps 39
1 Co 6, 13c-15a. 17-20
Jn 1, 35-42

La Parole de Dieu qui nous est donnée, aujourd’hui, c’est une histoire d’appel. Vous l’avez entendu, le petit enfant, Samuel, a peut-être huit ans, neuf ans, dix ans, et il est pensionnaire dans le temple de Silo : il apprend à grandir, dans la relation avec Dieu, dans l’amitié avec Dieu ; et voilà qu’une nuit, Dieu l’appelle – je ne vais pas vous relire tout le texte – mais une nuit, Dieu l’appelle ; et il ne le reconnaît pas : il pense que c’est son maître, le vieux prêtre Élie ; et une fois, deux fois, trois fois, il vient voir Élie : « M’as-tu appelé ? » Ben, non. Et voilà qu’Élie a une illumination, une inspiration : peut-être que celui qui appelle Samuel, c’est Dieu lui-même ? « Tu répondras : parle, Ton serviteur écoute. » Et c’est ce que fait Samuel… et Samuel va devenir un prophète, le prophète le plus important de son temps. Le prophète qui aura une mission double, une mission religieuse : il faut annoncer Dieu, Dieu l’Unique, Dieu qui veut prendre soin de Son peuple ; et puis il faut aussi prendre soin de ce peuple, au nom de Dieu. Et viendra le moment où Samuel sera celui qui va valider le choix d’un roi. C’est Samuel qui va oindre le roi David.

I – Prêtre, prophète et roi

Bien des siècles, des milliers d’années plus tard, – car Samuel, c’est en l’an 1050 avant J.-C.- donc mille cinquante ans plus tard, Jésus nous a été présenté, la semaine dernière et, dans le passage qui précède juste celui qu’on vient d’entendre, Il nous a été présenté comme l’Oint du Seigneur : celui qui a reçu l’huile, mais, surtout, Celui qui est rempli d’Esprit Saint. Un Oint, un Messie, – car Oint et Messie c’est synonyme, et Christ c’est encore pareil – c’est celui qui est choisi par Dieu pour une mission bien particulière, et cette mission, c’est celle de prophète, comme Élie. C’est aussi la mission de roi, comme David, et c’est encore la mission de prêtre. Jésus nous est présenté : « nous avons trouvé le Messie », autrement dit, nous avons trouvé le Prophète par excellence, Celui que nous attendions depuis toute éternité, nous avons trouvé le Roi par excellence, celui que nous attendions, nous avons trouvé le Prêtre. Prêtre, c’est celui qui fait le pont entre Dieu et les hommes. Jésus est Fils de Dieu, donc Il est dans la connexion parfaite avec le Père ; Il est aussi, comme nous, un homme né d’une femme, qui mourra comme chacun de nous. Et, du coup, Il est notre frère, et Il fait vraiment le pont entre nous et notre Père. Parce que, grâce à Jésus, nous devenons Ses frères, nous devenons pleinement Fils de Dieu. Nous sommes donc, nous tous, – chacun – appelés à être des prêtres. On dit que l’Église est peuple de prêtres : en fait, notre mission particulière, c’est d’établir un lien entre Dieu et la terre toute entière. Nous portons le monde dans notre prière. Nous, tout seuls, on n’y arriverait pas, mais le Christ vient s’unir à nous pour que cette prière ait du poids. Prêtre. Prophète ? Prophète, c’est celui qui est nourri de la Parole de Dieu, rempli de la Parole de Dieu, et du coup, eh bien, cette Parole de Dieu va sortir de lui. Nous sommes tous, – chacun -, appelés à être des prophètes. Non pas, comme quoi nous prédirions l’avenir, non, un prophète, c’est celui qui est vraiment nourri de cette Parole et du coup cette Parole vit en nous. Jésus est le Prophète par excellence, nous sommes connectés à Lui par notre baptême et donc, nous aussi, nous sommes prophètes. Nous sommes des témoins de Dieu qui aime les hommes. Et peut-être que notre plus belle mission prophétique, c’est celle de notre quotidien, où Dieu nous dit à chacun : « tu vois, celui qui est là, juste à côté de toi, Je l’aime. Et je t’ai choisi, toi, pour lui manifester Mon amour. » C’est cela, notre mission de prophète. Pouvoir dire à tout homme qu’il n’est pas abandonné, qu’il est aimé, toujours, comme une perle précieuse. C’est la bonne nouvelle du Christ, c’est la bonne nouvelle de Dieu. Prêtre, prophète, et roi ? Alors, roi, on a une vision un peu biaisée : on pense plutôt aux pharaons ou aux empereurs grecs qui se sont fait adorer, or, non, un roi n’est pas un dieu : un roi, c’est d’abord et avant tout un serviteur. Ce n’est d’abord pas pour rien que le roi David a été choisi comme roi alors qu’il était berger. Un berger, c’est celui qui prend soin de son troupeau. Et, de fait, si le berger s’assied sur son caillou en disant à ses brebis : « Venez me servir », ça ne va pas marcher ! Le berger, c’est celui qui court derrière ses brebis pour en prendre soin. Voilà le bon roi.

Prêtre, prophète et roi. Jésus est le bon berger, il est le roi par excellence, et nous sommes connectés à lui par notre baptême, et nous sommes appelés à nous mettre au service : au service de nos frères.

II – Répondre à l’appel, comme saint Bonnet, comme Samuel, comme les disciples

Aujourd’hui, nous fêtons, nous solennisons, la fête de saint Bonnet. Donc, comme nous le disions en entrée, saint Bonnet, c’est d’abord un fils de grande famille. Et il a des responsabilités politiques au sens noble du terme : il est en charge du bien de la cité. Et donc, aujourd’hui, c’est peut-être l’occasion de prier tout particulièrement pour tous ceux qui ont charge, qui ont ce service à rendre, qu’est celui du gouvernement, et en premier le maire, nos maires, mais aussi le président des conseils départementaux, régionaux, le Président de la République, les parlementaires. Tous ceux qui ont cette charge-là : prendre soin du bien commun, pour que personne ne soit laissé sur le côté.
Et puis, Bonnet, c’est aussi celui qui répond à un appel à un changement de vie. Des appels, on a vu celui de Samuel qui a eu besoin d’un conseil, d’un plus sage, d’un plus ancien que lui, pour discerner que c’était Dieu qui l’appelait. Et, de fait, il nous faut être attentifs à ceux qui, parmi les hommes, peuvent être des relais de l’appel de Dieu, des interpréteurs. Et puis, on voit aussi cet appel des disciples, qui est un peu particulier. Jésus, a appelé certains disciples directement : « Viens, suis-moi ». Et, là encore, ce n’est pas tout à fait comme cela que ça se passe. C’est Jean Baptiste qui montre Jésus et qui dit « Voici l’Agneau de Dieu : Celui dont je vous ai parlé, qui doit venir après moi, mais qui est plus grand que moi, c’est Lui. » Là, c’est la curiosité : on peut penser que le cœur des disciples s’enflamme, il faut qu’ils se lèvent, il faut qu’ils se hissent pour voir Jésus, et donc ils s’approchent de Lui. Jésus se retourne, les voit, et leur dit : « Que voulez-vous ? » « Où demeures-tu ? » « Venez, et vous verrez ». C’est peut-être une bonne base de vie spirituelle. Si nous voulons connaître Jésus, si nous voulons connaître le christianisme, si nous voulons connaître notre Dieu, eh bien, la première chose, c’est qu’il faut venir Le voir. On ne peut pas rester de loin, on ne peut pas simplement étudier dans les livres : il faut vivre la relation avec le Christ. Il y a deux façons de faire de la science. Il y a une première façon, qui est d’étudier les livres, et puis d’exprimer mieux, de manière synthétique, ce qui a été dit par beaucoup de livres. C’est un travail qui est utile et nécessaire, c’est un travail de vulgarisateur qui permet, à tous, d’avoir une première connaissance de la science en question. Et on s’en est contenté pendant très longtemps, de ce type de science. Et puis, il y a une deuxième manière de faire de la science : c’est d’aller à la rencontre, d’aller découvrir, de ‘mettre les mains dans la boue’, d’aller rencontrer les gens tels qu’ils sont. De fait, Claude Levi-Strauss, par exemple, un sociologue, aurait pu étudier les Papous de loin. Non, il est allé vivre chez eux pendant plusieurs années. Eh bien, dans notre relation avec le Christ, c’est pareil. Si nous voulons dire, oui, je connais le Christ – et j’espère bien que nous pourrons le dire – eh bien, il nous faut commencer par vivre avec Lui. Accueillir Sa Parole, vivre Ses commandements ; parce que nous sommes blessés, il y a en nous une petite tendance à rechercher la facilité, le confort. Alors, quand Jésus nous dit « le chemin du bonheur et de la joie, c’est de prendre votre croix, et de Me suivre »… Quand Jésus nous dit « Aimez-vous les uns les autres comme moi Je vous ai aimés », quand Dieu nous dit : le chemin du bonheur, c’est : « Écoute Israël, le Seigneur Ton Dieu est l’Unique et tu l’aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit, de toute ta force, et tu aimeras ton prochain comme toi-même. », lorsque nous entendons ça, cela ne nous attire pas forcément immédiatement. Et, de fait, si nous restons sur ces paroles, eh bien, ça ne va pas nous donner envie. Pour pouvoir grandir dans cet amour, il faut commencer par le vivre, il faut mettre les pieds dedans. Il faut y mettre le cœur, comme ce qu’ont fait les disciples. « Venez, et vous verrez ». « Ils allèrent donc, et ils virent où Il demeurait, et ils restèrent avec Lui ce jour-là ». Et, en fait, on le sait même, ils sont restés avec Lui pendant les trois ans qui ont suivi. Et, l’auteur de l’Évangile, qui était là, se souvient très bien de ce jour, il était 4h de l’après-midi. Quelle rencontre ! Lorsqu’il écrit son Évangile, c’est peut-être soixante ans après. Soixante ans après, il se souvient de l’heure à laquelle il a rencontré pour la première fois Jésus.

Et nous sommes invités, nous aussi, à faire mémoire. Rappelez-vous, peut-être, votre propre première communion, peut-être une prière toute particulière où vous avez senti la présence de Dieu tout près. Alors, aujourd’hui, nous sommes invités à poser un choix : allons-nous écouter Jean-Baptiste qui nous dit « Voici l’Agneau de Dieu », allons-nous nous approcher de Jésus, allons-nous répondre à Son appel : « Venez, et vous verrez » ?