Fête de la sainte Famille

  • Commentaires de la publication :0 commentaire

Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
Gn 15, 1-6 ; 21, 1-3 ; ps 104 ; He 11, 8.11-12.17-19 ; Lc 2, 22-40

Une fête de la Sainte-Famille où les textes qui nous sont donnés nous semblent peut-être un peu surprenant. Et pourtant…

Nous avons une présentation d’Abraham. C’est une présentation assez large, puisqu’en réalité, le début du texte est au chapitre 15 de la Genèse et la fin du texte est au chapitre 21. C’est donc quasiment tout le cycle d’Abraham qui nous est donné dans son introduction, ou presque, et dans sa conclusion, ou presque. La promesse de Dieu ! « Tu auras une descendance. Et cette descendance sera aussi nombreuse que les étoiles du Ciel ». Et 25 ans plus tard, c’est l’accomplissement de cette promesse. Il a fallu en passer par des détours et des chemins de traverse pour en arriver jusque-là. D’ailleurs, Abraham a eu la volonté, – et il l’a fait ! -, de passer par une mère porteuse. L’histoire d’Agar et Ismaël… Et on voit d’ailleurs que cela ne marche pas. Ça crée toujours des problèmes… De fait, oui, il y a bien une famille qui nous est donnée, celle d’Abraham et de Sarah, et de cet enfant, Isaac. Et qu’est-ce qui est le cœur de cette famille ? Et bien c’est une vertu dont nous parle largement la lettre aux Hébreux : la foi.

I – Foi

La foi, vous le savez, c’est d’abord une relation. On ne croit pas en un objet. Quand on croit, quand on a cette foi, il s’agit d’une relation avec une personne : la foi en Dieu ou la foi en une personne. La foi, c’est d’abord essentiellement « faire confiance ». Dieu dit à Abraham : « Va, quitte ton pays. Va dans le pays que je t’indiquerai ! » Et donc il se lève et il s’en va. Abraham reçoit encore la parole de Dieu : « Va, et donne-moi ton fils en sacrifice ! » Abraham se lève il va offrir son fils. Ce fils-là justement, qui était l’objet de la promesse, qui devait devenir toute la descendance… Il y a là une préfiguration. C’est ce que dit la lettre aux Hébreux. Il y a là une préfiguration car dans cette offrande-là, c’est du même ordre que l’offrande de Dieu lui-même qui nous donne son Fils.

Donc en premier, la foi comme cœur de cette famille d’Abraham et de Sarah. La foi aussi comme centre de cette deuxième famille qui nous est donnée aujourd’hui : Joseph, Marie et Jésus.

II – Obéissance

Et quand on a la foi, quand on fait confiance à la parole qui nous est donnée, on peut entrer dans l’obéissance. Abraham a obéi à l’appel de Dieu. Obéissance, c’est un mot piégé, vous le savez. Quand on parle d’obéissance, on pense, soit à la version militaire, garde-à-vous, petit doigt sur la couture, soit on pense à la version familiale, tel un parent excédé qui dit à son enfant : « Mais tu vas obéir oui ! » Autrement dit : « Tu vas faire comme je dis et pas autrement ! ». Et en fait, ces deux conceptions de l’obéissance ne sont pas ce que nous propose la Bible, comme obéissance. Jésus nous donne les conseils évangéliques : la pauvreté, l’obéissance et la chasteté.

L’obéissance c’est quoi ? Elle implique de faire confiance, d’avoir foi en l’autre, de faire confiance en l’autre. Et l’autre, il me donne une parole que je vais a priori recevoir, accepter. Obéir, c’est absolument nécessaire si l’on veut vivre en relation, en société. Et en particulier si l’on veut vivre dans cette société initiale, qui est celle de la famille. Le mari doit obéir à sa femme, il doit recevoir sa parole, considérer qu’elle est bonne, a priori. Et la femme doit obéir à son mari. En latin, obéir c’est obaudire. Écouter en dessous, avec cette bienveillance qui me permet d’avoir cet a priori favorable sur la parole de l’autre. Les enfants sont invités à obéir pour pouvoir comprendre que c’est une parole d’amour que leur donne leurs parents. Et les parents sont invités à obéir aussi à leurs enfants. Recevoir la parole, y compris de l’enfant. De fait, dans l’obéissance, l’obéissance chrétienne dont nous parle la Bible, il n’y a pas de relation de subordination. Il s’agit d’un acte d’amour en réalité.

Il y a quelques années, j’ai mis mes mains entre celle de l’évêque et je lui ai dit : « Je vous promets obéissance à vous et à vos successeurs ». Et là, maintenant qu’il y a un successeur, j’ai renouvelé ma promesse, sans mettre les mains dans les siennes cette fois-ci. Cette parole, je la considère comme a priori bonne. Elle ne m’impose pas d’abandonner mon intelligence. J’ai même le devoir de m’en servir. Et c’est pareil dans la relation parent-enfant, et dans la relation époux-épouse. Cette obéissance est finalement un choix de soumission. Je me soumets… Et là encore un mot piégé : ce n’est pas un choix de servilité. Il s’agit d’un choix de soumission libre, un acte. Je dépose ma vie entre tes mains. C’est cela obéir. Évidemment dans notre société, c’est un peu difficile d’obéir parce que la confiance est souvent rompue avec ceux à qui on devrait obéir. Pourtant c’est un effort qu’il nous faut reprendre régulièrement. Faire ce choix de confiance, de foi, pour pouvoir poser les actes qui soient vraiment des actes d’amour. Des actes de réception…

Abraham, lorsqu’il voit que la promesse de Dieu ne s’accomplit pas, il se dit : « Je vais arrêter d’obéir. Je vais prendre par moi-même ce qui m’est promis ». Et du coup, il s’entend avec sa femme Sarah pour avoir Agar et avoir avec elle un enfant qui sera Ismaël. Et de fait, ce n’est pas cela le projet de Dieu. Ce que Dieu donne, il veut que nous le recevions et pas que nous cherchions à le prendre. C’est un combat ! Nous naturellement, on a tous envie de prendre… Or il nous faut recevoir. De fait, celui qui reçoit dans l’évangile, c’est Syméon. Syméon a reçu l’enfant dans ses bras. L’enfant n’est pas vieux. Le temps prescrit par la loi de Moïse, c’est 40 jours. Donc un mois et demi. Cela fait un petit bébé ! Et un petit bébé ça tient dans deux mains. Il reçoit ce petit enfant, et il le reconnaît comme Dieu. Pourquoi ? Parce qu’il a obéi. Il a écouté la parole de Dieu, il a médité la Bible, il a reçu l’Esprit saint dans son cœur et il le reconnaît. Oui, il est la lumière qui se révèle aux nations.

III – Action de grâce

Foi, obéissance, et action de grâce. C’est le cœur de cet évangile selon saint Luc. Dans ces chapitres un et deux, c’est l’action de grâce. C’est le chant du Benedictus que proclame Zacharie. C’est le chant du Magnificat que proclame la vierge Marie et donc ce Nunc dimittis, « Maintenant ô maître souverain », que proclame Syméon. Ce sont aussi les louanges de Dieu qui sont proclamées par Anne, fille de Phanuel… Action de grâce. Reconnaître la présence de Dieu avec nous. Et quand on reconnaît, notre cœur s’ouvre, se déploie et se tend vers Dieu. En fait, chaque fois que nous rendons grâce à Dieu, notre foi grandit. Action de grâce… L’action de grâce, généralement, on le fait pour les choses passées. Là, on arrive à la fin de l’année, on va pouvoir rendre grâce pour l’année passée ! Et là on va se dire : « Oh là là. Elle a été un peu rude cette année ! » Et pourtant… Ces difficultés, Ces combats que nous avons eu, du même ordre que rester veuve après sept ans de mariage, ont été l’occasion, du moins je l’espère, au moins quelques fois, ont été l’occasion d’aimer, d’une manière un peu différente que d’habitude, et peut-être même un peu mieux que d’habitude. Et pour cela, on peut rendre grâce. Le Seigneur était avec nous. Il était là ! Il n’attendait qu’une chose, c’est que nous lui ouvrions notre cœur. Il était là ! Rendons lui grâce pour cela.

Et l’année qui va venir, Eh bien, entrons dans une action de grâce dès à présent, parce que, – pas de surprise ! -, elle ne sera pas meilleure que l’an dernier. Et si ce n’est plus la Covid, cela sera autre chose. Ce qui compte vraiment, c’est notre cœur ouvert, en relation, dans la foi, dans cette obéissance chrétienne. Dans cette action de grâce… Le cœur tourné vers le Seigneur, le cœur tourné vers nos frères, alors nous serons vraiment nous-mêmes, et nous ferons ce pour quoi nous sommes faits : aimer et nous laisser aimer.