Mes pensées ne sont pas vos pensées – homélie du 25e dimanche de TO – A

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Homélie 20 septembre 2020,
par l’abbé Gaël de Breuvand

Surprenant ! Je voudrais revenir sur une parole de saint Paul, la Deuxième Lecture de saint Paul, est-ce que vous vous en souvenez ? Ça fait déjà longtemps.

I – Mes pensées ne sont pas vos pensées

Saint Paul dit : « La seule chose qui est importante, c’est que le Christ soit glorifié dans mon corps. » Qu’est-ce que cela veut dire ? Ça veut dire que je laisse passer Dieu à travers moi, que je laisse passer Jésus à travers moi ; et que je sois en relation avec Lui, c’est la seule chose qui importe. Et que je sois en relation avec le Christ qui passe à travers moi, que ce soit le Christ vivant ou le Christ mort, c’est pareil. Et même mieux, il va le dire, vivre vraiment, c’est le Christ, et mourir, c’est mieux, parce que quand on est mort, on n’a qu’une seule chose à faire, c’est le regarder. Alors que quand on est encore vivant sur la terre, on a plein d’autres choses à penser. Saint Paul nous dit qu’être vraiment vivant, ce n’est pas une question de se déplacer, de se nourrir, de bien grandir, ce n’est même pas une façon de respirer. Être vraiment vivant, c’est être en relation, et la relation la plus parfaite, c’est aimer et se laisser aimer. Celui qui décide de ne pas aimer, d’une certaine manière, il est déjà mort. Heureusement, le Seigneur Jésus vient à notre rencontre régulièrement pour nous redonner la capacité d’aimer. Être vraiment vivant, c’est aimer et se laisser aimer.

Alors, vous allez me dire : « Oui, mais, c’est bizarre, ce n’est pas tellement comme cela qu’on pense ! » C’est la Première Lecture du Livre d’Isaïe, 500 ans avant Jésus-Christ, soit il y a 2500 ans.

Il entend la Parole de Dieu, et il la dit au peuple d’Israël qui est en exil : ils sont tristes d’être loin de chez eux, ils n’ont pas de terre, ils n’ont pas de temple. Et là, le Seigneur parle au peuple et dit « Mes pensées ne sont pas comme vos pensées. » Dieu est Dieu, Il est très différent de nous et, en même temps, Il nous a créés à Son image, et Il veut que nous Lui ressemblions. C’est le but de Dieu. Et lorsque nous ressemblons à Dieu, nous trouvons la vraie joie et le vrai bonheur. Les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées. Nous, souvent, on va s’intéresser à ce qui nous fait plaisir, là, maintenant, tout de suite ; Dieu, lui, s’occupe de ce qui compte vraiment, de ce qu’il y a de plus important. Ça, c’était cinq siècles avant Jésus-Christ, et c’est intéressant d’entendre ces deux paroles, celle de saint Paul et celle d’Isaïe. Car cela nous permet de mieux comprendre l’Évangile.

II – de la logique de l’homme à la logique de Dieu

Vous le connaissez, cet évangile on l’appelle la parabole des ouvriers de la onzième heure ; parce qu’à l’époque, chez les Romains, la première heure, c’est lorsque le soleil se lève et la dernière heure, c’est lorsque le soleil se couche. Donc, on ne disait pas 5h de l’après-midi mais la onzième heure car le soleil se couchait à 6h, d’accord ? Et que raconte cette parabole ? Un maître de maison, un propriétaire qui a une grande vigne, cherche des ouvriers, donc il y va à 8h du matin, puis il y retourne à 9h du matin et il y retourne à 11h, puis à 13h, puis y retourne à 15h, puis à 17h, et à chaque fois il embauche du monde. Ça, c’est bien. C’est la première chose.
La deuxième chose : il s’est mis d’accord avec les premiers sur le salaire ; quel est le bon salaire ? un denier, une pièce d’argent. C’est important, car un denier, c’est ce qui permet de vivre une journée tranquillement : on ne devient pas riche avec un denier, mais on peut vivre tranquillement. Un père de famille qui gagne 1 denier, il sait qu’il va pouvoir nourrir ses enfants, qu’il va pouvoir les chauffer, les habiller, à ce moment-là, à cette époque. Donc c’est suffisant, c’est un salaire normal. Donc il se met d’accord avec les premiers. Puis, il embauche tous les autres, mais il ne leur dit pas combien il va les payer. Puis vient le moment de la paie. Et là, le maître fait quelque chose d’un peu étonnant : il commence par le dernier, celui qui n’a travaillé qu’une heure. Et comme le maître est généreux, qu’il est bon – car ce n’est pas de sa faute si ce gars n’a travaillé qu’une heure – eh bien, il se dit « je vais lui donner de quoi nourrir sa famille, l’habiller, la loger, pendant une journée », donc il le paie 1 denier. Et puis, tous les autres un denier, et ceux qui ont bossé toute la journée aussi, ils sont payés un denier. Alors, nous, quand on entend ça, on est comme les ouvriers, on est un peu scandalisé. Ce n’est pas juste, ceux qui n’ont travaillé qu’une heure, ils sont payés 11 fois plus que ceux qui ont travaillé toute la journée. Alors, on a une réalité différente par rapport au temps de Jésus : nous avons la Sécurité Sociale, – il fait déjà ça, en fait ! – elle est là pour compenser justement cette absence de travail, les Assedic, le RSA même. Mais ça reste, quand même un peu gênant, ce n’est pas juste. Et là, le maître explique une chose : si on se place du côté du premier ouvrier, il a beaucoup plus travaillé et il gagne la même chose que l’autre, donc le tarif à l’heure, il est beaucoup moins bien payé. Mais, si on se place du côté du maître, il a fait un acte généreux avec le dernier. Il a prévu un salaire normal pour le premier, et le dernier il ne veut pas le laisser mourir de faim. C’est cela le point. Et nous sommes invités à entrer dans le regard de Dieu, à avoir cette même générosité, et à ne pas nous scandaliser quand d’autres reçoivent plus alors qu’ils ont beaucoup moins travaillé que nous. On est invité à entrer dans une pensée de Dieu qui n’est pas vraiment la nôtre naturellement. « Mes pensées ne sont pas vos pensées » a dit Dieu. Nous sommes invités à entrer dans une logique qui n’est plus seulement une logique de justice, mais une logique d’amour.

III – la Loi d’amour

Et je vais terminer avec ça :

Tout à l’heure, au début de la messe, j’ai dit une oraison, une prière, et c’est ce qu’on a demandé ; elle est là « Seigneur – c’est ce qu’on a demandé à Dieu, et c’est ce qu’on demande pendant toute cette messe – Seigneur, tu as voulu que toute loi, toute la Loi, consiste à t’aimer et à aimer son prochain. » La Loi de Dieu, autrement dit la Parole de Dieu, c’est ce qui nous indique le bon chemin pour trouver la joie et le bonheur, pour être vraiment vivant. Eh bien, c’est de vivre, d’aimer Dieu, et d’aimer son prochain. Et le prochain, c’est celui que je rencontre là, tout de suite, maintenant. Dans cette église, on a une quantité de prochains… C’est là, tout de suite, je suis appelé à vous aimer, chacun est appelé à vous aimer les uns les autres, et à m’aimer moi. C’est un travail, parce que parfois on n’est pas très aimable…Nous sommes invités à vouloir les uns pour les autres la vraie joie et le vrai bonheur, et s’il nous faut faire un acte de générosité comme ce bon maître, donner plus à celui qui peut-être ne le méritait pas, eh bien, il faut être prêt à le faire. Il faut entrer dans la logique de Dieu : aimer et se laisser aimer, et ne faire plus que ça.

Laisser tomber le reste qui ne compte pas vraiment. Petit point d’actualité, en ce moment, pandémie, houla, épidémie partout, c’est très dangereux, il faut qu’on s’isole, qu’on reste à distance… Oui, c’est important d’être en bonne santé, mais n’oublions pas que c’est encore plus important d’aimer, de se le dire, de se faire des cadeaux, peut-être de se serrer dans les bras,- avec prudence, certainement, mais pas de panique, quoi ! – l’essentiel, c’est de laisser le Christ être glorifié en nous, et le Christ, c’est certain, Il ne reste pas à distance, Il s’approche de nous, de chacun de nous, et nous, avec les précautions requises, approchons-nous les uns des autres, accomplissons la Loi, aimons Dieu, aimons notre prochain, et c’est là que nous trouverons la vraie joie et le vrai bonheur.