Is 22, 19-23
Ps 137
Rm 11, 33-36
Mt 16, 13-20
Homélie du 23 août 2020, par l’abbé Gaël de Breuvand.
I – Le Bon Pasteur délègue sa mission
Nous avons entendu une Première Lecture du Livre d’Isaïe, nous sommes dans la première partie du Livre, donc on est dans les années 700 avant J.-C. Dieu veut prendre soin de son peuple, et Il dit à Shebna le gouverneur : « Je t’écarte car tu es un mauvais berger, et Je vais choisir un nouveau gouverneur, un nouveau relais de Mon pouvoir ». « Je le revêtirai de ta tunique, je le ceindrai de ton écharpe, je lui remettrai tes pouvoirs. […] Je mettrai sur son épaule la clé de la maison de David. » Cette image des clés est une image forte : celui qui porte les clés, c’est celui qui a la responsabilité au nom du roi, et, dans ce cas-là, même, au nom de Dieu. Il est celui qui a les pleins pouvoirs au nom de Dieu. Ce passage nous dévoile que Dieu veut vraiment prendre soin de son peuple d’Israël, et que pour cela, Il choisit des hommes, et Il les appelle à agir selon Sa volonté, selon Sa Parole. Ce gouverneur Eliakim, qui est choisi, est comme un délégué, comme un envoyé – le mot « envoyé » en grec se dit « apostolos » – comme un ambassadeur ; sa parole est comme la Parole de Dieu.
700 années plus tard, Jésus s’adresse à Pierre, et Il lui donne le pouvoir des clés : « Je te donnerai les clés du royaume des cieux ». Jésus, d’une certaine manière, – complètement même -, choisit Pierre et lui donne une responsabilité immense : la parole de Pierre sera la Parole de Jésus. Cette Parole-là, Il la confie bien évidemment à Pierre en premier lieu, mais dans l’Évangile on la retrouve d’autres fois. Et, en particulier, Jésus s’adresse à tous ses disciples, et Il leur dit la même chose : le collège des apôtres, et par la suite, l’ensemble des évêques, ont cette responsabilité. Quand ils parlent au nom de Dieu, d’une certaine manière, Dieu est lié par ce qu’ils disent. Et puis, plus largement encore, c’est à toute l’Église que Jésus s’adresse : quand un chrétien parle, et qu’il le fait en s’étant mis à l’écoute de la Parole de Dieu, eh bien, Dieu se plie à la parole que dit le chrétien !
II – L’acte de Foi, réponse au cadeau de Dieu
Évidemment, il faut que nous soyons ajustés à la Parole de Dieu. Comment est-ce possible ? Est-ce que c’est un pouvoir qui nous a été donné automatiquement juste parce qu’on a été baptisé ? En posant la question, je vous donne la réponse : non, évidemment ! La racine de ce pouvoir, qui en réalité est un service, c’est la foi. C’est la foi. Pierre s’est exprimé, et il a dit une parole : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » C’est un acte de foi, une parole de foi. Et nous avons entendu la réaction de Jésus. Jésus est dans la joie. « Heureux, es-tu, Simon, fils de Jonas ! » Quand un disciple de Jésus pose un acte de foi, cela donne de la joie au ciel, de la joie au Christ : ça c’est aussi un pouvoir que nous avons : nous pouvons rendre le ciel heureux. « Heureux es-tu, Simon, fils de Jonas » Mais cet acte de foi, d’où vient-il ? Jésus l’enseigne à Pierre ! « Ce n’est pas la chair et le sang, ce n’est pas de toi que cela vient, cela vient du Père ». Le Père a fait un cadeau à Pierre, et Il a fait un cadeau à chacun de nous : nous avons reçu ce cadeau qu’est la foi. La foi ne vient pas d’abord de nous, c’est d’abord un acte de Dieu, qui nous connecte à Lui.
Vous le savez, le jour du baptême, première question aux parents : « Que demandez-vous pour votre enfant à l’Église de Dieu ? Nous demandons la foi, » la foi, comme une connexion, un port USB qui nous mettrait en relation avec le serveur central, qui est Dieu. Et par cette connexion, par ce port USB, Dieu nous donne Sa vie-même, Son amour, Lui-même tout entier, qui vient habiter en nous : c’est cela, la foi ! Et, de fait, avec cette connexion – en langage chrétien, on parle d’une vertu théologale – on peut décider d’apprendre à s’en servir, ou pas, on peut décider de l’utiliser effectivement, ou pas, de laisser rouiller le système, de ne pas l’utiliser… Mais, la foi, une fois qu’on l’a reçue comme un don, comme une vertu, eh bien, on l’a toujours : d’une certaine manière, on ne peut pas perdre la foi ; on peut perdre le mode d’emploi… Mais la foi nous est donnée définitivement : c’est Dieu qui fait cet acte-là au jour de notre baptême. Ça n’empêche pas Dieu de donner aussi la foi à ceux qui ne sont pas baptisés, d’ailleurs.
La foi, cadeau de Dieu implanté dans notre cœur, pour être en relation avec Lui, pour pouvoir recevoir les deux autres vertus théologales, l’Espérance et la Charité, autrement dit l’Amour de Dieu, l’amour plénier, absolu de Dieu. Et, là aussi, nous avons un mode d’emploi à découvrir.
III – Le chrétien, relais de l’amour de Dieu
Mais, là encore, le pouvoir des clés dépend du cadeau de Dieu, oui, mais il dépend aussi de la réponse, cet acte de foi que nous posons. Nous avons reçu cette vertu et nous sommes invités à poser des actes de foi, des actes de confiance en Dieu, des paroles qui correspondent au réel, à la vérité, au fait que Dieu est Dieu et qu’Il nous aime. Oui, chaque fois que je proclame le credo, – on y pensera tout à l’heure -, quand je proclame le credo, je participe à donner de la joie au ciel. Et si on tend l’oreille de notre cœur, on pourra entendre dire : « Heureux es-tu », chacun de nous, « Heureux es-tu, ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais Mon Père qui est au ciel ».
Et alors Dieu, le Christ, nous confie une mission ; et cette mission, c’est celle d’être des témoins de l’amour de Dieu, même, plus que des témoins : des relais de l’amour de Dieu, c’est cela que dit Jésus à Pierre. « Je te donnerai les clés du royaume des cieux, tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, tout ce que tu auras délié sur terre, sera délié dans les cieux » Autrement dit, « tu es le relais de Ma miséricorde ».
Ça, c’était pour l’aspect théorique, mais maintenant il faut le vivre concrètement, en pratique. Comment faire grandir en nous cet amour du prochain, cette attention aux pauvres, aux petits ; mais, en fait, le premier petit c’est peut-être avant tout déjà moi-même… Comment accueillir l’amour des autres dans ma vie ? Il s’agit encore et toujours de faire vivre notre foi. Saint Jacques le disait, une foi qui n’est pas vivifiée par l’amour, c’est une foi morte. Une connexion dont on ne se servirait pas, cela ne servirait pas à grand-chose ; or, Dieu a un projet pour chacun de nous.
Dieu veut que nous soyons heureux, et Il nous a confiés les uns aux autres, pour que nous nous donnions cette joie. Je ne trouverai pas la joie sans vous, et vous ne trouverez pas la joie sans moi, et les uns avec les autres, nous sommes là, ici, sur cette terre, pour nous mettre au service les uns des autres, pour nous mettre au service de la joie. Alors, pour grandir en foi, en espérance et en charité, pour pouvoir être réellement, concrètement, des ambassadeurs de Dieu dans notre monde, eh bien, il nous faut poser des actes de foi, souvent, il nous faut poser des actes d’amour, souvent, il nous faut poser des actes d’espérance, souvent. Acte de foi : Mon Dieu, je crois, je Te fais confiance, je t’écoute, et je témoigne de Toi, oui, Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, et c’est par ce chemin-là que nous trouverons la vraie joie et le vrai bonheur, c’est par ce chemin-là que nous saurons comment aimer et être aimés.