Accueillir Dieu comme on ne l’attend pas

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Homélie du 19e dimanche du Temps ordinaire, Année A, 9 août 2020
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

1 R 19, 9a.11-13a
Ps 84
Rm 9, 1-5
Mt 14, 22-33

Un événement ! Jésus se dévoile un peu plus à ses apôtres. Et du coup, l’Église qui est toujours très fine mouche, nous propose des textes en rapport avec cela, et en particulier cette Première Lecture du Livre des Rois ;

I – Élie rencontre Dieu

Nous avons ce prophète Élie qui, dans la caverne sur le mont Horeb, va rencontrer Dieu. Je ne sais pas si vous connaissez bien le contexte de cette histoire. Or, il est très intéressant. Élie, quelques jours avant, est sur le Mont Carmel, et comme il y a une famine depuis 2 ans et demi, il a été décidé de faire un grand concours entre Élie, le prophète du vrai Dieu d’Israël, et les 450 prophètes de Baal, l’idole des voisins. Et vous savez ce qu’il s’est passé ? On a fabriqué deux sacrifices, et personne ne devait y mettre le feu, c’est Dieu lui-même qui devait allumer le feu. Les prophètes de Baal ont prié pendant toute une matinée et, pendant ce temps là, Élie se moquait d’eux et disait : « Hey, criez plus fort, Il doit être sourd ou parti en voyage. » Et ça ne marche pas quand c’est Baal que l’on prie. Et puis Élie, à son tour, se tourne vers Dieu et Lui dit « Seigneur, je sais que tu es le vrai Dieu, montre Ta puissance » et voilà qu’un éclair tombe du ciel, le sacrifice est accompli. C’est la gloire pour Élie prophète ! Donc il interprète cela en se disant qu’il va poursuivre, et il va massacrer les 450 prophètes de Baal. – Je ne suis pas sûr que ce soit tout à fait un exemple à suivre… Sa confiance en Dieu, oui, mais son interprétation de ce que Dieu veut qu’il fasse, sur ce coup-là, il s’est un peu loupé -. Il est passé par un moment de gloire, mais là, la reine Jézabel n’était pas très contente – ben oui, c’était ses prophètes à elle ! – donc elle veut faire tuer Élie, et celui-ci s’enfuit car il se rend compte qu’il n’est défendu par personne. Personne en Israël ne veut prendre le parti d’Élie, ni celui de Dieu. Et on voit Élie qui entre dans une forme de dépression : il va faire 40 jours et 40 nuits dans le désert pour aller jusqu’à la montagne de Dieu, qu’on appelle dans le Livre des Rois le mont Horeb, mais c’est la même montagne que le Sinaï. Une telle dépression, qu’à un moment il a envie de mourir, là, et un ange viendra le secouer en lui disant « Dieu veut que tu continues », et il va finir par y aller.

Et voilà : Élie arrive sur la montagne de Dieu, et lorsque les grands événements qui ont déjà eu lieu au moment de Moïse ont lieu,- le tremblement de terre, la foudre, l’ouragan, Dieu était déjà venu dans la foudre, dans le tremblement de terre – eh bien, Élie se rend compte que Dieu n’est pas là. Non, Dieu est présent dans le fin silence d’un souffle subtil, quelque chose de tellement léger, ce qui lui fait peut-être comprendre une chose, c’est que son Dieu, le Dieu d’Israël, n’est pas un dieu de violence, et qu’il n’avait peut-être pas tout à fait raison de massacrer les 450 prophètes de Baal… Et on verra d’ailleurs Élie changer un peu son mode d’annonce, de prédication. Voilà un bon passage sur le prophète Élie, son moment de victoire sur le mont Carmel, et sa dépression, et cette rencontre de Dieu dans le silence, en tout cas, pas du tout comme il l’attendait.

II – La rencontre des disciples avec Jésus

Et aujourd’hui on a eu un Évangile, c’est la suite de celui de la semaine dernière sur la multiplication des pains. Pour Jésus et pour les disciples, c’était un moment de victoire, un moment de gloire : ils auraient pu devenir rois d’Israël et ministres… Mais, voilà, Jésus les pousse, il oblige les disciples à monter dans la barque, « Allez-vous en, je ne veux plus vous voir. Peut-être que la tentation serait trop grande pour vous »… Donc ils sont dans la barque, au milieu de la tempête, et c’est un combat. Ils sont peut-être en train de se demander « Qu’est-ce qu’on fait là ? On ferait peut-être mieux de tout arrêter… » Au moment même où ils auraient pu récupérer les fruits de leur action, Jésus les met dehors, et ils sont peut-être dans ce combat, dans cette tempête, dans cette crise, comme Élie l’avait été quelques siècles auparavant. Et Jésus vient à leur rencontre quand ils ne L’attendaient pas.

À l’époque d’Élie, la pédagogie de Dieu, c’était de montrer que Dieu était bien tout-puissant, mais que la toute-puissance se manifestait dans le silence, dans la discrétion et dans l’amour.
À l’époque de Jésus, il fallait montrer que ce Rabbi, cet enseignant hors-pair, ce maître, n’était pas qu’un maître en parole, mais Il était aussi maître des éléments, capable de dominer la mer. Il fallait qu’ils découvrent peu à peu qu’Il était non seulement un Messie, mais Seigneur, autrement dit, Dieu. C’est la pédagogie de Dieu, qui ne nous donne pas tout d’un coup mais qui prend le temps de nous instruire et de nous faire grandir.

III – Les yeux fixés sur Jésus-Christ

Enfin, dernière petite réflexion, Jésus sur la mer se fait reconnaître « Ayez confiance, c’est moi. » Et là, acte de foi, de Pierre qui dit « Si c’est vraiment Toi, fais-moi venir à Toi ». Il nous faut nous émerveiller devant cette parole-là, cet acte là : je reconnais le Christ en toi et je viens vers Toi. Suis-je prêt à faire ce pas-là ? La mer bouge quand même… Finalement, cela rappelle dans l’histoire de nos vies le jour de notre baptême : Jésus nous a dit « Venez à moi, les petits enfants » et nous avons été baptisés, nous avons fait ce pas sur la mer. Et puis, alors que nous sommes sur la mer et que nous tenons fermement le bras de Jésus, nous Le regardons, ou pas, mais il y a un moment où on perd le contact, et de fait dans nos vies, nous avons tous connu, je pense, des moments de crise. Ce moment où l’on s’intéresse plus aux vagues qui bougent, aux épreuves, aux difficultés, et aux impossibilités, à tout ce qui ne va pas, plutôt que de fixer les yeux sur Jésus. Mais Jésus est là. « Pourquoi as-tu douté, homme de peu de foi ? » Il est là, la main tendue, Il n’attend qu’une chose, c’est que Pierre L’appelle. Il n’attend qu’une chose c’est que Pierre Lui tende la main. Il n’attend qu’une chose, c’est que nous Lui tendions la main. Nous ne sommes pas – c’est ça qui est beau dans le christianisme, dans notre relation à Jésus – nous ne sommes pas faits pour nous débrouiller tout seuls. Il est même interdit, si on veut être de bons chrétiens, de se débrouiller tout seuls. Il nous faut attendre tout de Jésus, et quand c’est la tempête, quand c’est compliqué, eh bien, tournons-nous vers Lui, et Il est là. « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Il nous attend dans la prière, Il nous attend dans l’Eucharistie, Il nous attend dans le sacrement de réconciliation. Il nous attend : « Toi, Je t’aime, tu es mon enfant bien-aimé. » Nous l’avons entendu, il y a deux semaines, c’était l’Évangile des paraboles du royaume, vous savez « le royaume de Dieu est comparable à un trésor » et puis, la deuxième, « le royaume de Dieu est comparable à un marchand », un marchand qui cherche des perles fines. Souvent, pour simplifier, on peut dire que le royaume de Dieu c’est le Christ. Et le Christ, c’est ce marchand en quête de perles fines. Les perles, c’est nous ! Alors laissons-nous trouver par le Christ, laissons-nous attraper par le Christ, et sur la mer un peu démontée, un peu compliquée, acceptons de rencontrer Dieu tel que nous ne L’attendons pas : c’est Lui qui nous sauve.