Homélie du 5e dimanche du Temps ordinaire, Année A, 9 février 2020
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
I – Ajusté au Seigneur ?
« Lumière des cœurs droits, le juste s’est levé dans les ténèbres. » C’était le refrain du psaume. Alors, on a peut-être des questions : d’abord, qu’est-ce qu’un juste, de qui parle-t-on, et comment fait-on pour être lumière ? Le juste, c’est certainement d’abord celui qui est « ajusté ». « Ajusté », comme une vis est ajustée à son écrou… Et du coup, ça marche bien. Le juste, c’est celui qui reçoit la Parole de Dieu, et qui est adapté à cette Parole, qui est ajusté. Et, de fait, nous le savons, naturellement, si nous nous regardons nous-mêmes, nous ne sommes pas très adaptés à la Parole de Dieu, et cela demande un effort de notre part. Mais le juste dont nous parlons là, s’est levé dans les ténèbres et il est la lumière des cœurs droits. Alors, évidemment, c’est qu’on parle d’un juste qui est juste en lui-même, et ce juste, vous le connaissez, c’est Jésus. Jésus. Il est d’autant plus ajusté qu’Il est lui-même la Parole de Dieu. C’est bien pour cela que nous nous sommes levés pour proclamer l’Évangile. C’est Jésus lui-même que nous avons entendu, Sa Parole, c’était Jésus présent. Et, en entendant Sa Parole, nous voulons, nous aussi, nous laisser ajuster à Dieu, à Sa volonté, à Son amour. Jésus disait : « Vous êtes le sel de la Terre, vous êtes la lumière du monde. » Et là, je me regarde quelques instants… et je constate que je ne suis pas tout à fait ça, ou, en tout cas, il y a un peu de travail…
Mais, peut-être qu’il faut se reporter au passage juste avant. Vous savez, là, nous sommes au chapitre V de l’Évangile selon saint Matthieu, on aurait dû normalement entendre le passage juste précédent, dimanche dernier, mais il se trouve que nous avons célébré la fête de la Présentation de Jésus au temple, et du coup, cette fête-là est passée par-dessus. Mais, en fait, si nous avions eu la lecture du dimanche en vert, nous aurions entendu le début du discours sur la montagne, les Béatitudes, où le Christ nous donne l’objectif : « heureux ». Nous sommes faits pour la joie et le bonheur. Le projet de Dieu c’est que nous soyons dans la joie et dans le bonheur, et cela tombe bien car, si l’on fait un petit sondage parmi nous, on devrait tous être d’accord, on veut tous être heureux. Donc, on veut tous être heureux, et c’est aussi le projet de Dieu pour nous : heureux. « Heureux les pauvres de cœur », déjà, c’est un peu surprenant. « Heureux les doux », ah ! moi je croyais, que les plus heureux c’était plutôt… les empereurs. « Heureux ceux qui pleurent, heureux ceux qui sont persécutés », voilà que Jésus nous propose un chemin pour la joie et le bonheur qui n’est pas forcément celui auquel nous aurions pensé au premier abord. Et, de fait, ça va nous demander un ajustement. Ça va nous demander de nous accrocher au Christ, parce que c’est Lui qui est d’abord la lumière.
II – Lumière du monde ?
Et si nous sommes accrochés au Christ, que nous sommes connectés à Lui, alors, nous aussi, nous sommes – Jésus le dit – « Vous êtes la lumière du monde ». Il ne dit pas « vous serez », vous l’êtes aujourd’hui parce que vous êtes à l’écoute de cette Parole de Dieu qui veut passer à travers vous pour illuminer le monde. Oui, évidement si je suis Lumière du monde, – c’est Jésus qui le dit, donc je le crois – ce n’est pas grâce à moi. Si je suis lumière du monde, c’est parce que Dieu agit en moi, Dieu agit à travers moi. Dieu m’aime, Il me parle, Il me change, me convertit, me transforme, et il faut que je Le laisse faire. Et ça, ce n’est pas très confortable ! Alors, oui, voyons ce que vous faites de bien, « ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux ». Oui, le monde qui est autour de nous, qui, bien souvent, n’a même pas idée de Dieu, a besoin de nous comme témoins, comme des reflets. Vous connaissez ce petit enfant qui vient à la messe, (alors ça ne marche pas dans cette Église, mais bon on va imaginer qu’on a un vitrail avec des personnages dessus.) Et ce petit enfant demande « Maman, maman, qu’est-ce que c’est que ça ? » Et comme ce n’est pas le moment car c’est le moment du silence, et sa maman, un peu excédée, lui dit : « c’est un saint, chut ». Puis, deux jours plus tard, c’est la séance de catéchisme, et on aborde justement la question des saints. Et la catéchiste pose la question : « Qu’est-ce que c’est qu’un saint ? » et le petit enfant qui a tout compris dit : « un saint, c’est quelqu’un qui laisse passer la lumière ». Et ce qui n’est pas saint, c’est ce qui ne laisse pas passer la lumière. De fait, si nous voulons accomplir ce pour quoi nous sommes faits, si nous voulons trouver la joie et le bonheur, il nous faut laisser passer la lumière de Dieu dans toute notre vie ; et alors il nous faut accomplir les commandements.
III – Aime ! concrètement ?
Ces pistes sont là pour nous montrer le chemin : « Aimez-vous les uns les autres, comme moi je vous ai aimés. », « Aimez votre prochain comme vous-mêmes », « Aimer Dieu » : bien évidemment, en premier, mieux aimer. Et chacun de nous reçoit cette Parole-là de Dieu pour lui. Les époux entendent : « Tu vois la femme, qui est à côté de toi, Je l’aime, dit Dieu, Je l’aime tout particulièrement, elle est ma perle précieuse et Je veux que toi, son époux, tu l’aimes pour moi, que tu travailles à sa joie et à son bonheur, pour Moi ». Et les épouses entendent : « Tu vois l’homme qui est là, près de toi, Je l’aime tout particulièrement, il est ma perle précieuse et Je veux que toi, son épouse, tu te mettes au service de sa joie et de son bonheur, et que tu l’aimes, en Mon nom. ». Et les parents entendent cela pour leurs petits enfants, et les enfants entendent cela pour leurs parents. Et vous entendez cela chacun pour vos voisins, pour vos amis, pour nous tous, là, qui sommes sur ces bancs, regardez celui est qui juste là, vous êtes chargés de l’aimer au nom du Seigneur. Et moi, prêtre, je suis chargé de vous aimer, au nom de Dieu, et vous êtes chargés de m’aimer, au nom de Dieu. Et ce n’est pas si facile que ça. Parce qu’on n’a pas forcément envie d’aimer l’autre. Il y a des moments où il est fatigant, excédant, mais nous sommes, chacun, donnés les uns aux autres pour travailler à notre joie et notre bonheur mutuels. C’est bien ce que nous dit Isaïe : « Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi le pauvre sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable » parce que tous ces gens-là, Dieu les aime, et Il veut que nous soyons, chacun, le relais de Son amour. Oui, fais disparaître de chez toi le joug, fais disparaître de chez toi le joug accusateur, la parole malfaisante. Et nous savons que dans notre monde, la parole malfaisante court vite, même à travers moi. C’est tellement facile de dire une petite méchanceté sur quelqu’un qui n’est pas là : on en entend tous les matins à la radio. Le Seigneur nous appelle, Il nous aime et Il veut que nous soyons les relais, les reflets, les vitraux de Son amour. Cet amour qui est un peu paradoxal : « Heureux les doux, heureux les persécutés », ce mystère de Dieu sauveur qui est Jésus Christ, le Christ crucifié nous dit saint Paul. Oui, il nous faut choisir l’humilité, la discrétion, il nous faut choisir de se fatiguer les uns pour les autres.
Voilà, je vais conclure avec une petite phrase de mère Térésa. La journaliste s’approche de cette toute petite mère Térésa et lui demande : « Mère Térésa, vous avez fait de grandes choses : là, si vous aviez tout pouvoir et que vous pouviez changer quelque chose dans le monde, qu’est-ce que vous changeriez ? » et Mère Térésa a répondu : « Moi, juste moi. » C’est la seule chose sur laquelle nous avons pouvoir. Nous ne pouvons pas changer les autres, mais je peux me changer moi, et lorsque je deviens quelque peu ajusté au Seigneur, je deviens plus lumière et, soyons certains d’une chose, c’est que la lumière est contagieuse, l’amour est contagieux. Ce ne sera pas confortable, mais c’est le vrai chemin de la joie et du bonheur. Alors, laissons-nous aimer par le Seigneur, laissons cet amour nous combler, laissons cet amour déborder de nous, que nous puissions, en vérité, aimer nos frères, et alors, nous serons, oui, des « adorateurs du Père en esprit et en vérité ».