Accomplir la Loi, c’est ajouter l’Amour

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Homélie du 6e dimanche du TO, année A, 16 février 2020
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

Ce matin pour le choix de la Parole de Dieu, il a fallu que je choisisse ; et je trouve ça très inconfortable : je préfère quand on ne me donne pas le choix ! Et là, j’avais le choix entre un texte d’Évangile qui faisait 2 pages et demie, ou une page d’Évangile qui faisait un peu moins d’une page ; et j’ai choisi la courte. À la fois c’est bien, parce que tout le monde a pu écouter et être attentif tout le long, et à la fois cette Parole de Dieu, c’est quelque chose qui nous touche, dans notre intelligence, oui, ça on s’en doute, mais pas seulement.

L’acte même d’écouter la Parole de Dieu nous change. C’est d’ailleurs pour cela que pour l’Évangile on se met debout. C’est pour cela que, au début de l’Évangile, on fait le signe de la croix sur son front. Ouvre mon intelligence, Seigneur ! On fait le signe de croix sur sa bouche : ouvre ma bouche que je proclame cette parole ! On fait le signe de croix sur son cœur : Seigneur, que je l’aime cette Parole, qu’elle habite en moi, qu’elle change ma vie ! Donc, du coup, j’ai quand même pris la version courte.

On est au chapitre 5 de l’Évangile selon saint Matthieu, c’est la partie du grand discours de Jésus, le plus grand discours qu’Il fasse dans l’Évangile selon saint Matthieu ; ce sont pratiquement ses premiers mots. On a commencé cet Évangile le 2 février, même si on ne l’a pas entendu parce que c’était une fête. Mais cet Évangile commence par « Heureux » : « Heureux les pauvres de cœur, heureux les doux, heureux ceux qui pleurent, heureux ceux qui ont faim et soif, heureux ceux qui sont persécutés ». Cela nous indique quel est le projet de Dieu pour nous. Jésus nous l’a dit : « heureux » ; et puis bien avant, cinq siècles avant, on a entendu le psaume qui nous disait « Heureux ceux qui marchent selon la Loi du Seigneur ». Et puis, même, la Première Lecture : « Si tu veux, tu peux observer les commandements ».

I – le but de nos vies

Et les commandements, c’est quoi ? C’est une Parole de Dieu qui nous donne le chemin du bonheur. Parce que c’est ça, le but de nos vies, c’est de trouver la vraie joie et le vrai bonheur. Alors, naturellement, on a une petite tendance à faire des confusions, et à croire que le bonheur, ça ressemble à être confortable, à ce que ce soit facile. Or, quand on fait l’expérience du confort où il n’y a que du confort, on fait l’expérience de la facilité qui n’est que facile : on se rend bien compte que cela ne nous comble pas le cœur. Nous sommes faits pour plus que ça. Et, vous le savez, un certain nombre d’entre nous se préparent au mariage, parmi nous. Et avec tous ceux que j’ai rencontrés, il y en a quand même quelques-uns parmi vous, on a parlé de cette parole qu’on trouve tout à la fin de la Bible, car il a fallu 2000 ans et 2000 pages pour qu’on puisse le recevoir : c’est que Dieu est Amour. Et puis, à la première page, on a pu relire que l’homme a été créé à l’image de Dieu. Et donc que nous sommes faits pour aimer. Et celui qui me dit « aimer c’est facile », eh bien, je ne le croirai pas. Parce qu’aimer, travailler à la joie et au bonheur de celui-là qui est près de moi, il y a des moments où c’est facile par qu’on est aidé, parce qu’on est amoureux, parce qu’on en a un retour presqu’immédiat, mais il y a des moments où c’est moins facile, où c’est bizarre, tout ce que fait l’autre m’insupporte ! De fait, on est bien invité à le vivre dans notre couple, mais pas seulement. On est aussi invité à le vivre quand on est avec nos frères et sœurs. Et ce n’est pas toujours facile d’aimer son frère ou sa sœur – surtout quand on a dix ans ! – et après aussi. Pour les belles-mères, d’aimer leurs belles-filles, et réciproquement, pour les gendres d’aimer les belles-mères ou leurs beaux-pères… C’est toujours un combat ; et pourtant c’est là qu’est le chemin de la joie. C’est là qu’est le chemin de la joie !

II – « On n’abolit pas la loi mais on l’embellit avec le cœur et l’amour »

A – la loi, pour éviter les fausses pistes

Jésus, dans son Évangile, nous fait un petit discours en nous disant : Voilà, dans la Loi, dans l’ancien temps, vous aviez cette parole : par exemple, « Tu ne commettras pas de meurtre ». C’est une bonne parole, parce que c’est quand même nécessaire, si l’on veut trouver la joie et le bonheur, c’est mieux de ne pas commettre de meurtre. C’est mieux pour soi, c’est mieux pour celui qu’on va tuer, c’est mieux pour les proches et sa famille, c’est mieux pour toute la société ! Mais ça ne suffit pas, dit Jésus. Si vous voulez vraiment trouver la joie et le bonheur, non seulement il ne faut pas tuer son voisin, mais, en plus, il ne faut même pas se mettre en colère contre lui ; et il y a même un endroit, un peu plus loin, où Il dira « Aime ton ennemi ». Et Il nous le donne comme un commandement, qui est au sens biblique du terme, ce chemin qui nous donne la direction du bonheur, toujours. Ce n’est pas un truc à quoi on doit obéir bêtement, les doigts sur la couture. Jésus nous invite à faire un pas de plus, à ouvrir notre cœur, non pas seulement à se limiter et se conformer à la Loi, mais à bien se poser la question : « Mais où se trouvent la vraie joie et le vrai bonheur ?  » Pas simplement ma satisfaction personnelle. Parce qu’être satisfait, ça dure un temps. Je vais vous donner un exemple. Il se trouve que vendredi soir, je suis allé chez des paroissiens, et puis on m’a offert un petit apéritif. C’était très bon, et c’était un moment de joie. Puis, pendant le repas, nous avons bu un peu de vin blanc, un peu de vin rouge, c’était très bon : moment de joie. Et puis un petit digestif à la fin. Donc c’était limite pour rentrer en voiture, vous imaginez. Mais c’était parfait… et le lendemain j’ai eu mal au crâne toute la journée ! C’est très concret. Mais, finalement, quand on se pose la question de la vraie joie et du vrai bonheur, on peut se demander quelles sont les conséquences véritables des actes que l’on pose. C’est bien pour cela que saint Paul dit, encore à un autre endroit : « Tout est permis, mais tout n’est pas profitable ». Et, ce que nous cherchons, ce n’est pas simplement cette petite joie d’un moment ; non. Nous cherchons la vraie joie, le vrai bonheur, la joie qui dure, celle qui nous comble.

B – aimer, ce qui donne sens à tous nos efforts

Je vais vous donner un autre exemple. Il y en a parmi vous qui ont des enfants, petits, et ce n’est pas facile… Je pense qu’il y en a pas mal qui signent… Lorsqu’on se réveille quatre fois dans la même nuit parce que le bébé pleure et il a faim… Et ça ne dure pas une nuit, même pas dix, mais pendant un mois, un mois et demi, c’est quand même un combat, c’est difficile. On ne souhaite cela à personne. Et pourtant, c’est dans cet acte là, dans ce don, que véritablement l’amour est déployé. Oui, on ne va pas le laisser mourir de faim, cet enfant ! Et on travaille à sa joie et à son bonheur, et il y a une forme de satisfaction, lorsqu’il s’endort, enfin, repu… en espérant qu’il deviendra vite assez grand pour que les nuits soient un peu plus longues, quand même ! Mais c’est cela, et des exemples  comme cela, vous pouvez en prendre chacun dans vos vies. Ce petit acte concret qui n’est pas forcément facile pour moi, ce moment d’écoute où je vais me forcer à recevoir ce que me dit l’autre. Ce moment de service, tous ces petits efforts du quotidien, où la question n’est plus « mais j’ai bien le droit ! » mais la question est « je fais cela pour ta joie et ton bonheur ! » C’est ce que vous, qui allez vous marier d’ici quelques mois, vous allez dire. Vous échangerez cette parole l’un envers l’autre. Vous allez lancer la corde en disant : « Je te reçois et je me donne à toi », et puis l’autre, votre partenaire, votre associé, votre allié, va lancer la corde lui aussi en disant « Je me donne à toi et je te reçois ». Et puis, il y en a un qui sera là et qui va faire le nœud : c’est le Seigneur. Il vous aidera à ce que cette corde reste liée, soudée, parce que c’est là, dans cette union-là, que vous êtes la plus belle image de l’amour de Dieu lui-même sur cette terre. C’est à la fois un grand cadeau que Dieu nous fait, et c’est aussi une grande responsabilité : vous êtes chargés de rayonner de l’amour de Dieu à chaque instant de votre vie, l’un envers l’autre, et puis pour le monde entier.

Un dernier tout petit mot. Ben Sira le Sage nous dit « Si tu veux, ça dépend de toi : tu peux observer les commandements. » Notre expérience quotidienne montre aussi que, oui nous le pouvons, mais ça reste difficile. Alors nous nous accrochons au Seigneur, nous nous accrochons au Christ. Et Il nous a montré une chose, c’est que le chemin n’était pas celui de Superman : c’est le chemin de la Croix, et c’est loin d’être évident. J’accepte de me donner et de ne pas prendre. J’accepte de recevoir et de me donner. C’est un combat, un combat contre moi-même. C’est un combat qui n’est pas naturel, c’est ce que dit saint Paul. Ce n’est pas ça, la sagesse des hommes. La sagesse des hommes, vous la connaissez : qu’est-ce qui compte vraiment dans notre société ? La réussite, l’argent, l’amour au sens où je me sers, la reconnaissance, voilà, c’est cela qui compte ! Or ce n’est pas ça, le chemin de la joie : il passe par la vraie relation, la relation plénière, celle qu’on appelle Amour, celle qui est Dieu lui-même. Alors, accueillons le cadeau que Dieu veut nous faire. Laissons-nous pétrir par Lui. Cette Parole, peut-être qu’elle est trop dure pour nous aujourd’hui, mais, reprenons-la. Et le Seigneur attendrit notre cœur, Il nous transforme, il nous rend peu à peu semblables à Lui. La seule condition, c’est que j’accepte de me mettre à son écoute.