Homélie de la solennité de l’Epiphanie – 5 janvier 2020
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
« Tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant Lui, ils Lui ouvrirent leurs coffrets, ils Lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe ». Vous savez ce que c’est que l’or ? Oui ! L’or, c’est le cadeau que l’on fait aux rois. L’encens, vous savez ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est que l’encens ? C’est une sorte de résine qui, lorsqu’on la brûle, normalement fait de la fumée qui sent bon. Et c’est le cadeau, normalement, que l’on fait seulement à Dieu. Et puis la myrrhe, c’est une sorte d’huile parfumée, dont on recouvre le corps des morts, et c’est un cadeau que l’on fait seulement aux hommes. Jésus a reçu trois cadeaux : l’or parce qu’Il est roi, l’encens parce qu’Il est Dieu et la myrrhe parce qu’Il est homme. Voilà déjà une première chose qui nous est dévoilée en ce jour de l’Épiphanie.
« Épiphanie », c’est un mot compliqué, qui vient du grec, qui veut dire « manifestation », « révélation », « dévoilement ». Personne ne connaissait ce petit enfant, et voilà que trois mages qui viennent d’Orient, qui sont, a priori, des gens riches, des gens savants, des gens à qui, lorsqu’ils frappent à la porte du roi Hérode, l’on ouvre. Et ces trois-là, ils savent qu’il y a un roi en Israël, et que ce roi est plus qu’un simple petit roi, Il est quelqu’un devant qui on peut se prosterner. C’est bon, vous avez retenu ? L’or, l’encens et la myrrhe, parce qu’Il est roi, parce qu’Il est Dieu, parce qu’Il est homme.
I – Chaque homme a dans son cœur une place pour Dieu… et il lui faut une étoile
Et de fait, c’est assez étonnant : dans le cœur de chaque homme, il y a de la place pour Dieu. C’est peut être ça la première leçon que l’on peut tirer de cet Évangile, de cet événement, de cette épiphanie. Ces trois hommes, est-ce qu’ils sont Juifs, ces trois mages ? Non ! Ils viennent de pays lointains, on ne sait pas exactement où. Généralement, on dit qu’il y en a un qui vient d’Asie, un qui vient d’Europe, et un qui vient d’Afrique ; mais ce n’est pas écrit dans le texte. Ils viennent de loin, attirés par une étoile, et eux qui étaient savants, qui avaient beaucoup lu, beaucoup étudié, ils se sont rendu compte que cette étoile n’était pas normale. Et qu’elle voulait leur montrer quelque chose de tout à fait particulier : un roi est né en Israël. Dans le cœur de chaque homme, il y a de la place pour Dieu. Il y a même un concile de l’Église qui s’est réuni pour dire cela. Dans le cœur, chaque homme est capable, par sa raison, par son intelligence, capable de découvrir qu’il existe un Dieu. Un Dieu qui est Créateur, un Dieu unique ; et ça s’arrête là. Avec notre simple raison, nous ne pouvons pas aller plus loin. Pour en savoir plus, il va falloir quelque de chose de plus.
Et ce quelque chose de plus, c’est Jésus. C’est Lui qui nous dévoile que Dieu est non seulement Créateur, non seulement Tout-puissant, que Dieu non seulement est Unique, mais en plus qu’Il nous aime. Dieu nous aime : ça, c’est une bonne nouvelle ! Les Mages, pour découvrir Jésus, ont eu besoin, de quoi ? d’une étoile ! Ils ont eu besoin de cette étoile et, à la vue de cette dernière, ils se sont mis en route et ils sont allés voir ce que voulait leur dire cette étoile. De fait, dans le cœur de chaque homme il y a de la place pour Dieu. Dans le cœur de chaque homme, il y a de la place pour le Christ. Mais chacun de nous a besoin d’une étoile. Pas forcément celle qui se trouve au ciel. De fait, dans notre histoire, chacun, nous pouvons faire mémoire.
Qui, dans notre vie, a été l’étoile qui nous a montré le Christ ? Qui, dans notre vie, a été cette sorte de panneau indicateur qui disait : « c’est par-là que tu vas trouver la vérité, c’est par-là que tu vas trouver l’essentiel de ta vie » ? Rappelons-nous cela : qui était notre étoile dans notre vie ? Il n’y en a peut-être pas eu qu’une seule, d’ailleurs. Et rendons grâce, remercions pour cela. Or nous aussi, nous sommes appelés à être des étoiles pour les autres. De fait, vous le savez, aujourd’hui on est bien 200 dans cette église, et juste en dehors, là, dans cette ville de Genas, il y a encore à peu près 13500 personnes. Et ces 13500 personnes ont toutes de la place de Dieu dans leur vie, elles ont toutes de la place pour le Christ dans leur vie, et elles ont toutes besoin d’une étoile. Et la question, c’est : est-ce que vous, est-ce que nous voulons être cette étoile pour les autres ? Parce que Dieu nous a faits collaborateurs de Son Œuvre. Il veut donner de la joie et du bonheur à tous, et Il veut passer par moi, par chacun de nous. Voilà, c’est une petite mission : c’est ça la première leçon de cette fête de l’Épiphanie. Nous sommes invités à être des étoiles pour le monde entier, parce que le monde entier est appelé à connaître Jésus, à découvrir que, où sont amour et charité, là se trouve Dieu. « Ubi caritas et amor, Deus ibi est ».
II – Se prosterner, adorer…
Évidemment, à partir de cet évangile et des lectures d’aujourd’hui, on pourrait parler longtemps, très longtemps, alors je ne vais retenir seulement qu’un deuxième point, qui revient plusieurs fois dans l’Évangile et dans les lectures d’aujourd’hui. « Toutes les nations se prosterneront devant Toi » : ce sont les Mages qui viennent et qui disent : « Nous sommes venus nous prosterner devant Lui. » Se prosterner, c’est un mot grec, « proskinesis », et ce « proskinesis » est un geste du corps : c’est lorsque je me fais tout petit, que je pose mes genoux par terre et que je mets mon front au sol. Vous voyez ce que c’est se prosterner ? Et on est vraiment tout petit quand on est prosterné. Ce même mot est utilisé par Jésus dans un autre Évangile, mais on ne le pas traduit exactement de la même manière. Dans cet autre Évangile, c’est celui de la Samaritaine, où Jésus dit : « le Père cherche des adorateurs en esprit et en vérité ». Le terme employé, c’est encore « proskinesis », autrement dit, Il cherche des « prosternateurs ». Seulement, en français, ça ne veut pas dire grand-chose, des « prosternateurs » ; parce que le geste du corps, lorsque je mets mes genoux au sol, que je mets mon front par terre et que je me fais tout-petit, ça doit être l’indice d’une disposition du cœur ; et cette disposition du cœur, on l’appelle adoration. C’est tout simplement le fait de se reconnaître petit devant Dieu. J’ai un petit livre ; est-ce que vous le connaissez, ce petit livre ? Non ? Vous pourriez demander à vos parents de vous l’offrir. On a déjà passé Noël, mais ça, ça fait partie des cadeaux qu’on a le droit d’offrir toute l’année. Il s’appelle Youcat. Youcat pour « Youth catechism », autrement dit, c’est du catéchisme pour les jeunes. Il est fait sous forme de petites questions assez simples, et il y a plein de choses très intéressantes… Et en particulier, quand je vais chercher le mot « adoration » : « Toute personne qui réalise qu’elle est une créature de Dieu, reconnaît humblement qu’Il est le Tout-puissant, et l’adore. » Et de fait, pour cela, il n’y a pas besoin d’être chrétien. On connaît plein de gens qui, sans être chrétiens, adorent Dieu. En fait, sur la terre, la majorité des personnes adorent Dieu : deux milliards de chrétiens, un milliard de musulmans, plus un certain nombre d’autres religions. Mais, adorer Dieu, pour un chrétien c’est plus que cela. Ce n’est pas seulement voir la grandeur, la toute-puissance et la sainteté de Dieu,« c’est aussi reconnaître, le cœur plein de gratitude, Jésus, en qui Dieu nous a aimés en premier, et qui est Notre Sauveur ». L’adoration, c’est tout simplement le fait de regarder Jésus et de le reconnaître comme Notre Dieu et comme Notre Sauveur, et d’avoir le cœur plein de joie, plein de gratitude, plein de louanges. « Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. » De fait, les Mages vont se prosterner devant Jésus, mais s’ils se prosternent, c’est parce que leur cœur est déjà en pleine adoration.
De fait, cette adoration, c’est une condition de la vie chrétienne, c’est une condition de notre relation avec Dieu. Alors, nous pouvons demander à Dieu de remplir notre cœur d’adoration. En fait, il n’y a que Dieu qu’on peut adorer. Je ne vais pas adorer le chocolat, vous êtes d’accord ? Car le chocolat, je ne reconnais pas qu’il m’aime. Moi, je l’aime bien, lui, ne m’aime pas. Alors donc, nous sommes tous invités à faire un point dans notre cœur pour savoir si vraiment nous adorons Dieu. Et vous connaissez le premier commandement des dix commandements ? « Tu adoreras Dieu seul et tu L’aimeras plus que tout. » « Tu adoreras Dieu seul », Dieu seul parce que, dans nos vies, il est tellement facile d’adorer autre chose… Et là, on a quand même un bel exemple : nous avons des Mages qui vont se prosterner devant Jésus, signe de leur disposition du cœur ; et puis il y a un autre roi dans l’histoire, c’est Hérode. Et que dit le roi Hérode ? Il dit : « moi aussi je veux me prosterner devant Jésus, devant le Messie, devant le Christ ». Mais est-ce que son cœur adore Dieu ? Non, on est bien d’accord. Et de fait, il n’adore pas Dieu. Il adore lui-même, son pouvoir et sa puissance. Il adore sa richesse. Vous savez, des idoles, nous n’en avons que trois, toute notre vie est centrée sur ces trois idoles-là. La première est mon « moi », mon égoïsme, mon orgueil, et de cette idole-là, découlent les trois autres qui sont, mon orgueil, mon appétit des richesses et de la puissance, et mon appétit du confort, du bien-être et des plaisirs. Ça, ça peut être des idoles. La puissance, la richesse, tout cela, ça n’est pas mauvais en soi, mais si j’en fais des idoles, si j’en fais ce que j’adore, ça ne marche plus, et je deviens capable de tout, comme Hérode. Et vous savez ce qu’il se passe juste après cet évangile ? Hérode, voyant que les Mages ne reviennent pas vers lui, va envoyer des soldats à Bethléem et va tuer tous les enfants de moins de deux ans. On est capable de tout lorsqu’on n’a pas choisi Dieu comme seul objet d’adoration. Et si nous ne le faisons pas, eh bien, rendons grâce au Seigneur, car Il s’est dévoilé à nous. Il nous a dit : « Moi Je vous aime et Je veux que vous m’aimiez aussi. » Alors ça c’était le deuxième point, et c’était aussi le dernier.
Donc on va se rappeler le premier. Qu’est-ce que c’était, la première partie ? Que tout homme est appelé à voir Dieu, à connaître Dieu et à aimer Dieu, et que tout homme a besoin d’une étoile, et que nous invités à être des étoiles. Et la deuxième chose, c’est que le Père cherche des adorateurs en esprit et en vérité. Le Père cherche des gens qui ont cette disposition du cœur entièrement tourné vers Lui, le reconnaissant comme Celui qui nous aime et que nous pouvons aimer, et que c’est ça qui nous donne la vraie joie. Et, de fait, il ne nous est pas interdit de faire comme les Mages et de traduire, par nos actes et par notre corps, ce que nous avons au cœur, il n’est pas interdit de se mettre à genoux et de se prosterner quand Dieu est là. Accueillons le cadeau de Dieu, cette manifestation, cette épiphanie, qu’Il nous fait aujourd’hui, reconnaissons-le comme notre seul Dieu, notre seul roi, notre seul frère.