Homélie du 33e dimanche de TO – C – Le but de notre vie…

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Homélie 17 novembre 2019
33e dimanche du Temps ordinaire C
Par l’abbé Gaël de Breuvand

I – Pourquoi sommes-nous faits ?

Il est des dimanches où nous entendons l’Évangile, et nous devons « acclamer la Parole de Dieu », et parfois, c’est un petit peu difficile : quand on vient d’entendre une page d’Évangile comme celle-ci, on peut être un peu décontenancé. Ce n’est pas tellement une ‘bonne nouvelle’ qui nous est annoncée aujourd’hui, en tout cas, c’est ce qu’il nous semble. Jésus annonce la destruction du temple, et nous le savons, le temple de Jérusalem, une quarantaine d’années après cette annonce de Jésus, a été détruit. Et puis, Jésus même est plus large : « Tout ce que vous contemplez, il n’en restera pas pierre sur pierre, tout ce que vous contemplez sera détruit. » Un jour, notre monde tout entier aura passé. On le sait, même la physique, la chimie nous le disent, un jour le soleil sera tellement gros que la Terre sera engloutie. Et, de fait, on peut avoir légitimement une sorte d’inquiétude, et les disciples l’expriment. Quand est-ce que cela va arriver ? Pas trop vite, j’espère ! Et quel sera le signe qui nous annoncera que cela vient ? Et Jésus ne répond pas, peut-être parce qu’Il veut nous fixer sur l’essentiel ? « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer ». Attachons-nous aux choses qui comptent vraiment et pas aux choses qui passent, c’est cela que nous dit Jésus. Mais est-ce que cela nous satisfait vraiment ? On reste là, on sort de ce texte : un, je n’ai pas compris grand-chose, deux, Jésus nous annonce plein de trucs horribles et, de fait, je n’ai pas tellement envie de passer par-là.

Alors, c’est notre question aujourd’hui : Quelle est notre fin ? Quelle est notre finalité ? Quel est le but de notre vie ? C’est ça la question ! À laquelle je ne peux pas répondre pour vous ! À laquelle chacun de nous est invité à répondre personnellement : quel est le but de ma vie ? Être le plus riche possible ? Être le plus confortable possible ? Être le plus célèbre possible ? Évidemment, si je vous pose la question, c’est que ce n’est pas ça. D’ailleurs ce n’est pas ce que nous dit Jésus.

II – Nous sommes faits pour Vivre

Jésus nous présente toute la vie chrétienne comme un paradoxe : quand on veut suivre Jésus, on veut choisir le bonheur, et cela passe par les persécutions. Nous serons livrés même par nos parents, nos frères, notre famille, nos amis. Et pourtant, au début de l’Évangile selon Saint Matthieu, c’est bien « Heureux » le programme de Jésus pour nous. Le programme de Jésus pour nous, c’est la dernière ligne de l’Évangile : « C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. » Nous sommes invités à vivre. Et la question c’est : « qu’est-ce que c’est que vivre ? » Vivre, ce n’est pas une question de biologie, car sinon Dieu lui-même ne serait pas vivant. Or, Dieu vit, Dieu est Le Vivant par excellence. Vivre, c’est d’abord une question de relation, et c’est vrai pour le microbe qui a une toute petite vie, donc il a une toute petite relation, c’est vrai pour la plante, c’est vrai pour l’animal, et c’est vrai pour l’homme. Être vivant, c’est une question de relation. Et, quand on est des êtres humains, la plus grande des relations possibles, c’est aimer. Aimer. Nous mettre au service de la joie et du bonheur des autres, pour leur bien, pour leur joie. C’est fatigant, d’ailleurs, d’aimer. Nous garderons la vie, nous garderons la capacité d’aimer si nous sommes persévérants et, qu’à travers les épreuves, nous continuons à nous laisser aimer et à aimer. Et donc ce monde passera ; ce monde passera : nous ne fixons pas notre espérance, nous ne fixons pas notre foi, nous ne fixons pas notre vie toute entière sur ce monde, parce que, comme dit le psaume, à 70 ans, à 80 pour les plus vigoureux, et de nos jours un peu plus, eh bien, nous mourrons. Et de fait, ce monde-là ne sera plus très intéressant pour nous. Alors, nous sommes invités à vivre une relation avec lui, avec ce monde d’aujourd’hui, parce que c’est une création de Dieu et comme toute création de Dieu, il est invité à être transfiguré, transformé, dans la résurrection finale.

Mais, pour l’instant, notre espérance est en Dieu. Dieu seul est celui qui ne passe pas, c’est saint Paul qui le dit dans sa Lettre aux Corinthiens : « De toutes les choses je veux vous indiquer le chemin par excellence : ce chemin-là, c’est celui de la charité, l’amour, et l’Amour, seul, ne passera jamais. » C’est cela notre chemin. Et de fait, il ne nous manquera rien, comme là-encore un psaume le dit : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. » Si je choisis l’amour chaque jour dans ma vie, je n’aurai rien à regretter. Parce que l’essentiel, je l’aurai, et je saurai me réjouir de toutes choses.

III – Le jour du Seigneur viendra distinguer en moi la frontière entre Arrogance et Justice

Je voudrais revenir tout particulièrement sur ce petit passage, ce tout petit passage, 2 versets – même pas, 1 verset et demi – du Livre du Prophète Malachie. Ce prophète nous parle du jour du Seigneur. Et quand on entend ce texte, encore une fois, on peut être un peu inquiet. Il nous parle du jour du Seigneur « brûlant comme la fournaise ». « Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l’impiété seront comme la paille » et donc brûlants dans cette fournaise. « Le jour qui vient les consumera. » Et puis, il y aura ceux qui craignent le nom du Seigneur. Pour eux, le soleil de justice se lèvera et apportera la guérison dans son rayonnement. Ce qui est très intéressant, c’est que c’est la même réalité qui se lève : une fournaise brûlante ou le soleil de justice, dans les deux, cas c’est chaud et ça brûle. Dans un cas, le soleil devient brûlant et détruit, dans l’autre le soleil réchauffe et guérit. C’est le même soleil, c’est le même Dieu qui vient. Le contre-sens que l’on peut avoir, c’est de se dire : voilà, il y a aura d’un côté les bons et d’un autre côté les mauvais, et d’ailleurs je suis capable de dire qui est le bon et qui est le mauvais. Ça, c’est faux. De fait, parce que la limite entre l’impiété, l’arrogance et le juste, elle ne se passe pas entre les hommes ; la limite entre l’arrogance, l’impiété, d’un côté, et la justice, la bonté, l’amour, de l’autre, la frontière passe au milieu de mon cœur. En moi, il y a amour et justice, d’autant plus que Dieu m’a sauvé ; en moi, il y a arrogance et impiété et, toute ma vie, je suis invité à faire gagner la justice et l’amour, et à écarter l’arrogance. Et, en même temps, je sais que je ne peux rien faire tout seul, et seul le Christ le peut ; donc, il faut que je laisse un peu plus de place à Dieu dans ma vie. Et puis, viendra le jour du Seigneur et, ce jour-là, je vais rentrer dans le feu de l’amour de Dieu, et en moi, sera consumé tout ce qui n’est pas amour. Ce sera peut-être un peu douloureux mais, à la fin, c’est l’amour qui va gagner. En fait, c’est l’amour qui a déjà gagné. En fait, ce dont je vous parle, en termes techniques, c’est ce qu’on appelle « Purgatoire ». Un jour, nous nous retrouverons face à Dieu, et face à cet amour brûlant, et en même guérissant, nous sommes invités à entrer pleinement et à brûler du feu même de Dieu. Et oui, en nous, il y aura des scories et des choses à écarter et, en nous, il y aura des choses qui produiront de belles flammes. Et ce temps de purification, c’est aussi un temps d’unification, que nous ne soyons plus que d’un seul matériau, un matériau qui brûle bien ; et ça, ce travail de purification et d’unification, eh bien, nous sommes invités à le vivre dès aujourd’hui.

À laisser l’amour gagner dans nos cœurs, car nous sommes faits pour cela, et c’est cela notre vraie joie et notre vrai bonheur : nous laisser aimer par le Seigneur pour pouvoir L’aimer en retour, nous laisser aimer par nos frères pour pouvoir les aimer en retour. C’est là notre finalité, c’est cela la fin dernière : notre fin, c’est d’aimer.