Homélie de la solennité de tous les saints, vendredi 1er novembre 2019

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Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

I – La joie est mouvement

Nous sommes au chapitre 5 de l’évangile selon saint Matthieu, et ce sont pratiquement les premiers mots de Jésus sans cet évangile. Et le premier mot, c’est « heureux ! » Le projet de Dieu pour nous, c’est la joie. C’est le bonheur. Et c’est déjà une Bonne nouvelle. Quand on traduit makarios en grec par heureux, il nous manque une petite partie de la définition. Parce que quand on est heureux, quand on est dans la béatitude, bienheureux, on a une petite sensation d’être un peu en stase, voyez, un peu immobile… Donc quand on pense aux saints du Ciel qui sont bienheureux, on les voit comme bloqués face à la splendeur de Dieu. Et finalement, tout cela devient un peu long… Peut-être même qu’ils s’ennuient. Eh bien, c’est pour cela que Chouraqui, – vous connaissez peut-être -, qui a essayé de traduire le Nouveau testament en essayant de deviner quels étaient les mots arabes, araméens ou hébreu que Jésus employait… Lui, il a choisi de traduire ce « heureux » par « en marche ».

En fait, « vous êtes sur le chemin du Salut, vous êtes sur le chemin de la joie : en marche ! Vous les pauvres de cœur, le Royaume des Cieux est à vous… En marche vers ce Royaume ». Et de fait, cette marche, elle commence aujourd’hui, et elle est déjà là et on en a déjà le résultat puisque : « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des Cieux EST… à vous ! » C’est aujourd’hui que le Royaume des Cieux nous est donné. Et cette marche ne s’arrêtera pas parce que quand on verra Dieu face-à-face, eh bien il n’y aura jamais aucun instant où nous nous ennuierons parce qu’il y aura toujours quelque chose de nouveau à découvrir. Parce que Dieu EST infini, EST amour… EST ! Et Il aime. Voilà, donc en marche vers le Royaume.

II – être saint, c’est le chemin de la ressemblance avec Dieu

En choisissant le chemin que nous propose Jésus, ce chemin des pauvres de cœur. En Hébreu on dirait anawim, le pauvre du Seigneur… celui qui ouvre son cœur, ses oreilles, son intelligence, sa mémoire, sa volonté, tout entier pour accueillir le don de Dieu. Il s’agit d’être comme des petits enfants. C’est encore Jésus qui nous le dit. « Soyez comme ces petits enfants, car le Royaume des Cieux leur appartient ». Le cœur ouvert, tels des petits oiseaux qui reçoivent la béquée de la part du Seigneur. La bouche grande, grande, grande ouverte, pour recevoir ce qui est bon pour nous, et ce qui est bon pour nous, c’est Dieu tout entier, son Amour.

« Quel grand amour nous a donné le Père, dit saint Jean, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes ! ». Et en devenant enfant de Dieu, nous devenons semblable à Lui. Nous nous mettons à Lui ressembler.

Et aujourd’hui, c’est la Toussaint. Et la Toussaint, c’est parce que Dieu seul est saint. Mais dans son immense amour et dans son immense bonté, Il nous fait participer à Sa sainteté. Lui seul est pur. Vous savez ce que veut dire pur ? En bible, en christianisme, en langage de Jésus, ce qui est pur a le même sens qu’en chimie. Un corps pur, c’est ce qui est sans mélange. L’or est un corps pur. Il n’y a que des atomes d’or dans l’or. Dans le diamant, il n’y a que des atomes de carbone. C’est un corps pur. Et quand il y a des impuretés, il faut les enlever. Dieu, en nous aimant, veut nous rendre semblable à Lui, sans mélange. Absolument comme Lui, et donc, saints ! C’est synonyme finalement… saint, pur… Unifié, Sanctifié ! Tout cela, c’est le même mot. Et les cœurs purs, c’est encore Jésus qui nous le dit : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu ».

Alors il s’agit pour nous d’être simple, purifiés, d’être sans mélange. Et quand j’ai dit cela, chacun de nous peut regarder son propre cœur, et moi, je regarde le mien et je me dis : « Ha… je n’y suis pas tout à fait ! Je ne suis pas tout à fait sans mélange. Et quand j’essaie de me purifier moi-même, eh bien je n’y arrive pas ». C’est là qu’il me faut accueillir le travail du Christ dans mon cœur. Il faut que j’apprenne à me laisser sauver. Il faut que j’apprenne à lâcher prise. Et ce n’est pas si évident. Mais si je ne le fais pas, tout ce que me demande le Christ qui est le chemin de ma joie et de mon bonheur, eh bien c’est une barre qui est trop haute pour moi. « Heureux ceux qui pleurent… Heureux ceux qui ont faim et soif de justice… Heureux les miséricordieux… ». Non décidément, par moi-même, tout seul, je n’y arrive pas. J’ai besoin d’aide. Et celui qui m’aide, c’est le Seigneur,… qui nous comble de sa bénédiction.

III – La foule des témoins et la foule des sauvé

Le troisième point, autour de l’apocalypse de saint Jean.

L’apocalypse, c’est un mot grec qui veut dire : « révélation ». Et c’est un livre qui est écrit pour les temps de persécution. Et pour éviter que cela tombe entre de mauvaises mains, ça emploie beaucoup d’images et de codes, ce qui fait qu’à l’époque, si un ennemi tombait sur ce livre, il n’y comprenait rien. Le problème c’est que 2000 ans après, nous, on n’y comprend pas toujours grand-chose.

Mais Jean veut nous parler de ce qui est essentiel. De la joie que Dieu veut nous donner. Et je vais revenir juste sur un point. Dans cette vision de Jean : il a vu deux foules. Deux foules… La première, celle issue des douze tribus d’Israël, celle des 144 000, dont le front est marqué du sceau. Ces 144 000, ça fait, douze, ce qui est déjà beaucoup, multiplié par douze, ce qui est déjà beaucoup… multiplié par mille, ce qui fait vraiment très beaucoup ! et ces 144 000, évidemment, il ne faut pas prendre le chiffre à la lettre, désigne les baptisés, ceux qui sont marqués du sceau. Ceux qui ont été par le baptême connectés au Christ.

Et puis après cela, Jean a vu une autre foule ; celle-là, elle est innombrable, elle est encore plus importante que celle des 144 000. Nul ne peut les dénombrer. « Une foule de toutes nations. De toutes tribus, de tous peuples, de toutes langues ». Cette foule innombrable, c’est la foule des sauvés. Ceux que Dieu sauve ; Et on le constate, on le voit bien : que la foule des sauvés elle est plus importante que la foule des baptisés. Et c’est une joie ; Dieu veut sauver chaque homme. Il n’y en a pas un qu’Il veut laisser sur les côtés. Et Il prend les moyens pour cela. Il donne Jésus, son Fils. Et son Fils, Jésus, agit pour le monde. Et Jésus, son Fils agit, non seulement dans son corps d’homme, mais aussi dans le Christ qu’on appelle le Christ total. Autrement dit par son Église. En fait, si le Salut des hommes, – de tous les hommes ! -, peut leur être donné, c’est parce qu’il y a une Église qui accomplit, qui réalise ce que le Christ fait. Je ne sais pas si je suis très clair. Mais le Christ est le prêtre, Il porte le monde dans sa prière, Il la présente au Père ; le Christ est le prophète, Il témoigne de Dieu et de son Amour ; Le Christ est le Roi, il se met au service, et par le baptême, nous sommes connectés à Lui et nous sommes invités à vivre la même chose que Lui. Ces 144 000, c’est nous. Et nous sommes invités à porter le monde à Dieu. C’est notre mission de chrétien. Nous devons porter le monde dans notre prière, et c’est pour cela que nous faisons prière universelle tous les dimanches. Nous devons témoigner de sa parole et de son amour, et c’est pour cela que nous crions et répétons à temps et contretemps : « Où est la joie et le bonheur ? » Et nous devons être des rois en nous mettant au service des uns et des autres, en nous mettant au service de tous les hommes. C’est cela notre mission.

Un saint laisse passer la Lumière

Et je vais conclure avec une petite histoire. C’est un enfant pas très grand, peut-être cinq ans… Il est dans une église et au moment le plus important une dérange sa maman et dit : « Maman, maman, c’est quoi ça ? » Sa maman dit : « Chut, c’est pas le moment ! ». Et quelques instants plus tard : « Mais c’est quoi ça ? – Chut, c’est pas le moment ! » Et encore une fois il le demande. Alors sa maman, un peu excédée, lui répond : « ça, c’est un saint ! ». Quelques jours plus tard il y a la séance de caté, et justement, c’est sur les saints. Et la catéchiste pose la question : « Pour vous, c’est quoi un saint ? Vous savez ce que c’est ? » Et l’enfant répond : « Oui, moi je sais. Un saint, c’est quelqu’un qui laisse passer la lumière ». Voilà, c’est ce que je nous souhaite. Que nous laissions passer la lumière de Dieu pour notre monde.