Homélie 10 novembre 2019
Par l’abbé Gaël de Breuvand
C’est une transcription d’une prédication orale, les titres sont ajoutés après retranscription…
Le texte de la Première Lecture, lecture du deuxième Livre des Martyrs d’Israël, c’est une page d’Histoire. Vous le savez, il y a toutes sortes de livres dans la Bible, et le Livre des Macchabées, ce livre des Martyrs d’Israël, se présente comme un récit historique.
I – Il y a une Vie éternelle
En 165 av J.-C., la Palestine, la terre d’Israël, est occupée par des Grecs païens avec le roi Antiochos, qui veut dominer la région et veut surtout dominer les consciences et toutes les personnes. Et lui, qui se prétend roi, comme tout bon roi grec, et surtout qui se prétend Dieu, n’aime pas bien la concurrence d’un Dieu unique, qui est le dieu des Hébreux. Il cherche à faire abandonner la Loi aux Juifs. Et voilà un des épisodes de cette guerre, de cette persécution. Voilà, ils étaient sept frères, et ils sont menacés des pires sévices et de mort s’ils ne désobéissent pas à la Loi. Et ils choisissent de ne pas désobéir. Et il y a une parole assez forte, assez étonnante, « mieux vaut mourir par la main des hommes quand on attend la résurrection promise par Dieu. » En 165 avant J.-C., on est à la période où la Foi en la résurrection des morts, commence à se déployer et à se développer. Avant, ce n’était pas une question ; à l’époque de David, à l’époque de l’exil, ce n’était pas une question, la vie éternelle. Le but était de vivre le mieux possible, et être en relation plénière avec Dieu, mais on ne se posait pas la question de l’après. À partir du IIe siècle avant J.-C. on commence à se la poser, et on reçoit cette parole de Dieu, que oui, il y a une résurrection, une vie éternelle. Et c’est relativement récent dans l’Histoire.
II – L’essentiel qui ne passe pas : l’Amour
D’ailleurs, à l’époque de Jésus, c’est une question qui n’est pas réglée : il y a encore des Juifs – et de bons Juifs – qui ne croient pas en la résurrection des morts, ce sont les Sadducéens : ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection. Et donc, ils s’approchent de Jésus et viennent lui tendre un piège. Et il y a cette question qui vaut son « pesant de cacahuètes » : la loi dit qu’un homme doit épouser la femme sans enfant, la femme de son frère, et ça arrive plusieurs fois. Alors, est-ce qu’au ciel ils seront maris et femme, tous ? Donc, en fait il y a deux questions : une, explicite, est-ce qu’on continue à être mari et femme au ciel ; et puis une deuxième, qui est cachée, est-ce qu’il y a une résurrection, est-ce qu’il y a une vie éternelle ? Et Jésus répond aux deux questions. Et Il répond – Il sait répondre ! – mais sans se faire avoir. Que dit-il ? Il dit qu’au ciel nous sommes fixés sur l’essentiel, comme les anges : « Ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu, enfants de la résurrection ». Nous allons entrer, un jour, j’espère pour chacun, entrer au ciel, et là, nous serons fixés sur l’essentiel, et l’essentiel c’est quoi ? C’est aimer, nous laisser aimer par Dieu, et L’aimer en retour. C’est cela l’essentiel. Et, de fait, le mariage sur notre terre a comme finalité, entre autres, la génération et la reproduction. De fait, ça, il n’y en a plus besoin au ciel. Et donc il y a une rupture : le mariage sur terre, tel qu’on le connaît, et le mariage au ciel, ce n’est plus pareil. Et en même temps il y a une continuité, car quel est le but du mariage aujourd’hui ? C’est d’aimer et de se laisser aimer. Et ça, ça reste. Et les liens que l’on aura tissés sur la terre, bien évidemment, ils seront toujours là au ciel, ils seront même transfigurés, transformés, élevés. Bien meilleurs encore. En fait, en lisant ce texte, on pourrait se dire « ça y est, tout ce qu’on a vécu sur la terre, ça ne compte plus. » Mais ça n’est pas vrai : on se tromperait en disant ça ; au contraire ! Les liens d’amour que l’on a tissés avec nos enfants, avec nos parents, avec notre époux, notre épouse, ces liens-là comptent et, sans aucun doute, ils seront là au ciel.
III – L’Espérance
Et tout cela nous fait parler d’une réalité qu’on appelle l’espérance. Donc, je vais conclure avec cette idée d’espérance. Qu’est-ce que cette idée d’espérance ? Est-ce que c’est croire en quelque chose qui n’est pas crédible ? J’espère que demain il fera beau ; mais je n’en sais rien, je n’ai aucun moyen de savoir s’il fera beau. En fait, ce n’est pas de l’espérance, c’est une sorte d’espoir, ou de désir, à la limite. Vous allez me dire, la météo, maintenant, ils sont très forts ; mais, non, quand même. L’année prochaine, à la même époque j’espère qu’il fera beau ; je n’ai rien qui me permet de le dire. De fait, cet usage du mot ‘espérance’ en français ne correspond pas à ce qu’on dit quand on parle d’espérance en langage chrétien. L’espérance, en langage chrétien, c’est une foi, une certitude : oui, je crois que ce qui arrivera plus tard est bon pour moi. Cette espérance-là est fondée sur une chose, et c’est beau : c’est saint Augustin qui nous explique cela. Il nous dit : « L’espérance est fondée dans notre mémoire. » Le futur est fondé dans notre capacité à appréhender le passé. Attention, ça fume ! C’est parce que je me souviens des merveilles que Dieu a faites pour moi, c’est parce que je me souviens de la fidélité de Dieu, que je peux avoir confiance dans l’avenir. De fait, il existe aussi une espérance humaine, dans une amitié : parce que mon ami a été fidèle avec moi je sais qu’il sera fidèle demain, même si ce n’est pas encore là. Eh bien, avec Dieu, c’est pareil. Et si on veut grandir en espérance, il faut souvent revenir sur les merveilles de Dieu pour nous.
On a une championne toutes catégories de l’espérance, vous la connaissez, elle a sa statue par-là, c’est la Vierge Marie. Comme un refrain dans l’Évangile on a : « Elle méditait ces paroles dans son cœur et elle gardait tout cela dans son cœur. » Avec sa mémoire, elle a fait le plein : le plein des merveilles de Dieu pour elle. Et, au jour de l’épreuve, au jour où elle vu Jésus son Fils mourir sur la Croix alors que plus rien ne semblait possible, que la fin était là, eh bien, elle se souvenait et, du coup, elle pouvait espérer. C’est cela l’espérance chrétienne. Alors il y en a certains qui vont me dire « Moi, je ne me souviens pas trop de moments où Dieu est venu me rencontrer, j’ai du mal à me souvenir de ces moments. » Peut-être, c’est possible, on n’est pas tous égaux de ce point de vue-là, il y en a qui ont de grandes grâces, et puis d’autres qui ont des petites grâces ; mais on en a tous, des grâces ! Alors, peut-être d’abord qu’il faut rouvrir un peu les yeux, et puis faire mémoire. Et puis, si jamais il n’y a vraiment rien, c’est peut-être qu’on n’a pas assez demandé. C’était les évangiles de tout le mois de septembre. « Demandez, demandez et vous recevrez. » Il nous faut tanner le bon Dieu. Pourquoi ? Pas parce qu’Il va céder, car, de fait, Il a déjà cédé, car Il est un père qui nous aime. Non, parce qu’il faut que notre cœur s’ouvre, et j’ai besoin de me le dire souvent : « Cœur, ouvre-toi ! » Et donc en demandant à Dieu de venir à ma rencontre, cela ouvre mon cœur.
Voilà, entrons dans cette espérance, c’est Jésus qui nous le dit : Il n’est pas le dieu des morts, Il est le dieu des vivants. Tous, en effet, vivent pour Lui, Dieu est amour, Il nous aime et nous sommes invités à entrer en cette relation plénière qu’est l’Amour qui est, en fait, pour nous, êtres humains, la seule bonne façon de vivre : aimer et se laisser aimer.