Homélie 22 septembre 2019, par l’abbé Gaël de Breuvand
Ce texte est la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après retranscription.
Voilà un Évangile qui n’est pas clair immédiatement… Chaque année, ou plutôt tous les trois ans, on reçoit ce texte et – c’est quand même bizarre – Jésus nous donne l’impression de faire l’éloge de la malhonnêteté. Puis, en plus il n’est pas très clair, il est un peu long. Et, pour finir, ceux qui ont des Prions en Église ou des Magnificat, ils savent que le prêtre a pris la version longue. Il aurait pu nous épargner ça ! Alors, en liminaire : de fait, proclamer la Parole de Dieu, c’est la première façon, et certainement la meilleure, de louer Dieu ! C’est pour cela que nous nous levons. C’est pour cela que, lorsqu’il y a suffisamment de servants de messe, il y a des cierges qui éclairent l’Évangile. C’est pour cela qu’il arrive qu’on encense l’Évangile, parce que, la Parole de Dieu proclamée, c’est la plus belle façon de rendre gloire à Dieu. Il y a un psaume qui le dit : « Le Seigneur habite les hymnes d’Israël. »
I – Dieu n’oublie pas
Donc nous recevons cette Parole, elle nous semble difficile – même la Première Lecture, c’est même un texte affreux, a-t-on entendu… Et, pourtant, il y a quelque chose pour nous. Alors, on a bien compris : ce que loue Jésus, dans ce gérant malhonnête, ce n’est pas sa malhonnêteté, mais c’est sa ruse, son intelligence de la situation. Et Il nous invite, à être, nous aussi, et rusés ! Dans un autre passage de l’Évangile, on lit que les disciples doivent être rusés comme des serpents, innocents comme des colombes. Ce gérant-là n‘est pas innocent comme une colombe, mais il est bien rusé comme un serpent, et ça, de temps en temps, il faut savoir le vivre et l’être. Et cela nous pose une question par rapport à l’argent, le rapport aux biens de ce monde. Et, justement, il y a cette Première Lecture du prophète Amos. Nous sommes en 700 avant J.-C. ; à ce moment-là, il y a deux royaumes, celui de Judas, au sud, et le royaume d’Israël. Et il se trouve que le royaume d’Israël va bien, économiquement cela va bien. Et le roi d’Israël est allié avec les grands de ce monde, donc tout va bien. Et le pays s’enrichit… le pays s’enrichit… ou plutôt les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres… Et Dieu envoie Amos pour secouer tout le monde. Et Il pointe du doigt le comportement de ces riches, qui trouvent que les jours de repos obligatoire, le sabbat, le jour de la nouvelle lune, ces temps de ‘gratuit’ qui sont normalement donnés à Dieu, eh bien cela prend du temps. Pendant ce temps, on ne peut pas faire bosser les autres ! Et puis, si on peut écraser un peu le plus faible, celui qui n’a pas le choix, celui qui ne peut pas se permettre de manquer un jour de travail, ben ce n’est pas grave, tant que cela me rapporte. Ce comportement du riche est condamné par Amos, et Dieu lui dit : « Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits. » Car Dieu est Dieu, et Il n’oublie pas. Cette parole du viiie siècle avant J.-C., peut-être qu’elle nous parle un peu aujourd’hui aussi. On pourrait appliquer quasiment chaque ligne à notre situation actuelle. Alors on peut se retourner vers les puissants de ce monde et leur dire : « Ah, vous voyez, ce n’est pas bien ». Et puis, on peut aussi se retourner sur nous, c’est ce que le pape nous appelle à faire lorsqu’il parle d’écologie intégrale. C’est prendre soin de la nature et de la Création, et c’est aussi prendre soin de l’homme. Est-ce que je fais attention à ne pas faire travailler quelqu’un alors qu’il devrait être chez lui en train de se reposer, en train de louer le Seigneur ? Et donc le Seigneur n’oublie aucun de ces méfaits. Il n’oublie pas : Il fait beaucoup mieux que cela : Il pardonne.
II – Prier, pour que tous les hommes soient sauvés
C’est cette Lettre de saint Paul apôtre à Timothée « Bien-Aimé, prie – c’est à chacun de nous qu’il parle – bien-aimés, priez, prions, par des intercessions, des actions de grâces, des demandes et des prières pour tous les hommes, pour les chefs, pour ceux qui exercent une responsabilité, qu’ils soient ajustés au projet de Dieu pour nous ». Est-ce que nous prions pour nos hommes politiques ? Nos gouvernants ? Est-ce que nous prions pour ceux qui ont charge d’entreprises, qui ont charge d’associations ? Est-ce que nous prions pour eux ? Pourquoi prier pour eux ? Parce que c’est notre être-même de chrétien. Vous le savez, au jour de notre baptême, nous avons été connectés au Christ par un lien indissoluble. Et comme nous sommes connectés à Lui, nous sommes membres de Son Corps. Et nous sommes avec Lui, par Lui, et en Lui. Prêtre, prophète et roi. Et la mission de la prière, c’est la mission du prêtre qui est chargé de porter le monde. Le prêtre – c’est vous – qui est chargé de porter le monde auprès de Dieu. Pourquoi porter notre monde à Dieu ? Parce que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés. Le projet de Dieu, c’est qu’il n’y en ait pas un qui passe entre les mailles du filet. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, y compris les riches, dont Il n’oublie aucun des méfaits. Il veut qu’ils soient sauvés. Et, pour cela Il veut se faire connaître de chacun, se faire découvrir comme étant un Dieu d’amour, de tendresse. Un Dieu qui nous propose de vivre, vraiment. Et, si on veut que tous sachent cela, il nous faut être pleinement prêtres, et porter le monde dans notre prière ; il nous faut être pleinement prophètes, et proclamer le message de Dieu ; il nous faut être pleinement rois, en nous mettant au service de nos frères. C’est cela, l’appel de saint Paul. La réponse, finalement, à ce Dieu qui n’oublie aucun des méfaits mais qui veut que tous, tous, soient sauvés.
III – le commandement de Dieu, chemin de joie et de bonheur
Alors, nous l’avons entendu – on a parlé de la Première Lecture, on a parlé de la Deuxième Lecture, on va parler de l’oraison – nous allons parler de l’oraison, la prière que nous avons entendue au début de la messe. « Seigneur, ton commandement, c’est d’aimer Dieu et son prochain. » C’est cela la Loi de Dieu. Aimer Dieu et son prochain : un commandement. Un commandement, c’est une balise qui nous est donnée, c’est une direction : si vous voulez la joie et le bonheur, suivez cette consigne-là. Un commandement, ce n’est pas un ordre qu’il faut suivre bêtement, c’est une parole qui nous est donnée en cadeau ; alors il y a des commandements que l’on connaît bien, par exemple « Tu ne tueras pas. », ben oui, parce que si tu tues ton voisin, ce n’est pas top pour sa joie et son bonheur, ce n’est pas non plus bien pour ta propre joie et ton propre bonheur. Donc ne tue pas, ne mens pas, ne vole pas, honore ton père et ta mère, adore Dieu. Tout cela, ce sont des pistes, des balises, sur le chemin du bonheur et de la joie. Et quel est le plus grand commandement ? Aimer Dieu et son prochain. Et cela nous pose encore – et cela va être la fin – la question de notre rapport à l’argent malhonnête, dit l’Évangile. Avant, on le traduisait en disant « argent trompeur » : c’est l’argent d’injustice : parce que les biens de ce monde qui nous sont donnés, c’est un cadeau que nous avons reçu. C’est d’ailleurs dit là : « ce qui vous revient, qui vous le donnera ? Si vous n’avez pas été digne de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ? » Tous nos biens nous sont donnés. On ne les a pas mérités particulièrement. Ce sont des cadeaux que l’on a reçus. Et ce sont des cadeaux pourquoi ? Pas pour qu’on en fasse un dieu, pas pour que l’on en fasse une idole, on les a reçus comme un cadeau pour qu’ils puissent nous servir comme des moyens, sur le chemin de la joie et du bonheur. Ils doivent nous aider à aimer : c’est un moyen, et la fin, c’est d’aimer. Et il suffit de regarder notre propre cœur. Combien de fois me suis-je trompé de cible ? Et ai-je pris un bien, quel qu’il soit, parfois très honorable, pour un dieu ? Comme une fin ? Peut-être la maison de famille que je ne voulais pas lâcher, et je me suis disputé avec mes frères et sœurs pour cela. Exemple malheureusement trop courant. Peut-être que j’ai fait travailler ceux qui avaient besoin de repos ; c’est là que se joue la question du travail du dimanche ; c’est sûr que c’est parfois pratique de faire ses courses le dimanche, mais je suis appelé à me mettre au service de mes frères, y compris là. Rapport aux choses matérielles, à ses biens… Et, à l’inverse, combien de fois ai-je pris un autre comme un moyen, en oubliant qu’il a une dignité qui est celle d’un être humain, qui est à l’image de Dieu ; c’est la question que je me pose, que je nous pose. Allons continuer à participer à un cycle pervers, qui nous entraîne à manquer l’essentiel, qui est de se laisser aimer et d’aimer ? Et en manquant l’essentiel, Jésus a une parole sévère. En manquant l’essentiel, eh bien, nous allons faire un choix : et le choix, c’est celui de renoncer à Dieu pour choisir des biens matériels comme finalité ; ou bien – et ce sera le bon choix – choisir Dieu, et donc mes frères, parce que c’est lié, et du coup, renoncer, me détacher, me libérer de ces attachements qui sont disproportionnés, non ajustés. Nous ne pouvons pas servir à la fois Dieu et l’argent.
Alors ce que je nous propose, et ce que je me propose, c’est que, pendant l’Eucharistie, nous demandions à Dieu Sa force, Sa grâce et Son amour, pour que nous choisissions résolument Lui, Dieu, et nos frères. Que nous choisissions d’aimer.