Le Christ a besoin de collaborateurs

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Homélie du 17e dimanche du temps ordinaire – année B – 25 juillet 2021
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
2 R 4, 42-44 ; ps144 ; Ep 4, 1-6 ; Jn 6, 1-15

I – la Providence divine

Les textes de cette semaine sont difficiles. Il y a beaucoup à dire et commenter. Je vais faire un effort de concision. Je voudrais tout d’abord attirer votre attention sur une différence qui apparaît assez nettement entre ce que l’on entend dans le psaume et ce que l’on entend dans l’Évangile.

Avec le psaume, – il est peut-être écrit 600 ou 700 ans avant l’Évangile –, on est dans une étape de la Révélation. Dieu révèle sa puissance, Dieu révèle son être. Dieu révèle sa paternité, mais nous n’avons pas encore la plénitude de la Révélation. C’est en Jésus que cela vient. Et de fait, quand on entend le psaume : « tu ouvres la main seigneur ; nous voici rassasiés. », On entend une interprétation de la providence de Dieu. Cette providence qui vient accomplir des merveilles pour nous les hommes. « Tu leur donnes la nourriture en temps voulu. Tu rassasies tout ce qui vit ». Ce que l’on entend aussi dans le psaume, c’est que nous avons à ouvrir le bec et tout tombera de la main de Dieu directement dans notre bouche. Ce genre de phénomène est déjà arrivé : on l’a vu par exemple dans l’Exode, où le peuple a faim, il récrimine, et là, les cailles tombent du ciel et la rosée de la manne est donnée. Le peuple récrimine encore, il a soif. Et là, il suffit de taper sur un rocher avec un bâton et hop, une sorte de fleuve en jaillit. 

Pour autant, ce n’est pas l’usage habituel et normal de l’action de Dieu. Et cela se dévoile tout au long des âges. On l’entend bien dans l’Évangile.

Juste un petit point : la semaine dernière, nous étions dans l’Évangile selon saint Marc et nous avons eu les prémices de la multiplication des pains. Jésus va faire reposer ses disciples et il y a une foule qui se presse et qui est là. Jésus a les entrailles qui se tordent car cette foule était comme des brebis sans berger et il commence à les enseigner longuement. Et après les avoir enseignés, il les nourrira. Là, on a basculé, on est dans l’Évangile selon saint Jean. Jésus voit la foule et il commence par la nourrir, et ensuite, il enseignera. Ce sera les Évangiles des prochains dimanches où nous aurons le discours du pain de vie. Le discours concret d’application de cet Évangile.

II – La Providence a besoin de nous

Donc Jésus, dans cet Évangile, aurait pu faire apparaître du pain venant de rien. Il aurait pu donner la nourriture à tous, mais ce n’est pas le choix qui est fait. Il donne la responsabilité à ses disciples, et en particulier à Philippe. « Où pourrions-nous acheter du pain pour leur donner à manger ? » Vous imaginez, 5000 personnes devant vous, vous êtes l’adjoint du patron, et le patron vous dit : « OK, débrouille-toi ! » Je pense que chez Philippe, il y a eu un petit moment de solitude. « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas !». André, qui a l’œil, se dit : « Voilà il y a cinq pains et deux poissons ». Ce jeune homme a cinq pains et deux poissons. C’est intéressant de voir que Jésus choisit d’avoir besoin de ses disciples. Il attend que ce soit les disciples qui trouvent la solution. Il a besoin d’une base de départ. Il a besoin de ces cinq pains et deux poissons. Dieu, dans son projet veut faire de nous des fils, des héritiers. Il ne veut pas faire de nous des serviteurs ou des esclaves. Et si nous sommes fils et héritiers, nous sommes partie prenante. Jésus veut que nous soyons libres pour rentrer dans son projet. Et du coup, il faut que nous fournissions une base de départ. C’est saint Augustin qui le dit : « Dieu nous a créé sans nous ; Il ne peut pas nous sauver sans nous ». Parce que s’Il nous sauvait sans nous, nous ne serions pas libres et nous ne serions pas sauvés. Il a fallu que ce jeune garçon amène ses cinq pains et ces deux poissons. Et le point, c’est que c’est tout ce qu’il a. Il a tout donné. Il ne s’agit pas de seulement donner de son superflu. Il s’agit de tout donner. De fait, ce jeune garçon est l’image du chrétien. Ce jeune garçon, il fait une offrande parfaite, un don, et c’est ce que l’on appelle aussi un sacrifice. Ce qui compte dans le sacrifice, ce n’est pas le sang qui coule, c’est l’offrande qui est faite. Donc ce jeune garçon fait une offrande totale, il donne tout. Il donne sa vie en fait. Et à partir de cela, Jésus accomplit un signe, un miracle.

Jésus veut encore accomplir des miracles. Il veut toujours prendre soin des foules qui sont comme des brebis sans berger. Nous sommes les disciples de Jésus. La question c’est : quels sont mes cinq pains et mes deux poissons ? Qu’est-ce que j’apporte au Christ, pour qu’il puisse accomplir son projet, son projet bienveillant, son projet d’amour ?

III – L’offrande des chrétiens, nécessaire au projet de Dieu

Aujourd’hui, quels sont mes pains et mes poissons ? Sur le lieu supposé de la multiplication des pains, qui est à Tabga, un peu en hauteur sur le lac de Tibériade, il y a une église, comme souvent. Au milieu de cette église, il y a un endroit dans le sol, où un petit rocher dépasse. Sur ce rocher, Jésus aurait été assis, il aurait multiplié les pains. Entre ce rocher et l’autel, parce que c’est une église, il y a une mosaïque et cette mosaïque représente deux poissons, une panière qui contient quatre pains. Cela doit nous interroger : pourquoi quatre ? L’Évangile est assez clair, il dit cinq. Et les autres évangélistes, car tous parlent de la multiplication des pains, tous parlent de cinq pains. Alors pourquoi sur cette mosaïque, il n’y en a que quatre ? Nous sommes au pied de l’autel. Il est bien évident que la nourriture que Dieu veut nous donner, c’est Lui-même. Donc le pain dont nous nous nourrirons, c’est Lui. C’est lui le cinquième pain. Jésus. Mais si on s’arrête là, il manque encore une partie des données. Il manque notre intervention. Car comment le mystère du Christ présent aujourd’hui dans notre vie peut-il s’accomplir ? C’est par nous. Il faut que nous soyons le cinquième pain qui sera consacré pour devenir le Christ pour le monde. Vous voyez ce que je veux dire ? Il faut que nous soyons le pain que le Christ va consacrer pour que nous prions nous, Christ, chrétiens, pour le monde. C’est le mouvement de la messe. Nous allons porter notre pain, notre vin, notre argent, notre vie pendant l’offertoire car le pain, le vin et l’argent c’est bien, mais ce qui compte vraiment c’est notre vie. Jésus le bénira et le donnera aux disciples en disant « Prenez. Ceci est mon corps livré pour vous ! ». Nous sommes le corps du Christ. Nous sommes appelés à être donnés, à être mangés par nos contemporains. Pour qu’ils puissent vivre de la vie de Dieu.

Et je termine par un dernier petit mot. Hier, j’ai eu la joie de célébrer un mariage. Et je leur ai parlé de l’Amour. Pas très original pour un mariage… Dans l’amour humain, il y a deux dimensions qui sont pleinement humaines et que l’on possède dès la naissance. C’est ce que l’on appelle l’amour éros, cet amour puissant, pulsionnel, qui est fort, et dont on a besoin et qu’il faut apprendre à maîtriser, qui est pleinement en nous et pour lequel on n’a pas besoin d’apprentissage. Il y a un deuxième amour qui est en nous et qui nous est donné de naissance, c’est philia. C’est l’amitié. Cette amitié d’esprit à esprit qui nous rend égaux et qui est un peu dans l’ordre du donnant-donnant. Quand on est amis, j’attends de l’autre pour lui donner et il attend de moi pour me donner. S’il y a un trop grand déséquilibre, l’amitié ne peut pas tenir. Et puis il y a un troisième amour, celui-là c’est celui qui nous est donné, à nous, chrétiens. Avec le baptême, par le mariage, par tous les sacrements. C’est celui que l’on appelle Agapé en grec, charité-caritas en latin. C’est l’amour de Dieu lui-même et qui ne compte jamais. C’est tellement difficile d’aimer sans compter. Nous voilà à la messe pour recevoir Jésus-nourriture pour que nous apprenions à nous donner et à aimer comme lui, sans compter.