la Sainte Trinité, chorégraphie divine

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Homélie de la fête de la Sainte Trinité, année B, 30 mai 2021
Dt 4, 32-34.39-40 ; Ps 32 ; Rm 8, 14-17 ; Mt 28, 16-20
par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

On pourrait appeler cette fête de la Sainte Trinité la fête de la théologie. Parce que, qu’est-ce que c’est que la théologie ? C’est recevoir la Parole de Dieu, l’intégrer, et retenir cette Parole sous une forme organisée. Parce que, vous l’avez peut-être constaté, la Parole de Dieu nous arrive de manière pas très systématique. Alors pour nous, Occidentaux, cela nous pose pas mal de problèmes, parce que la Parole de Dieu nous est d’abord donnée dans un sens d’abord chronologique, pédagogique. Et c’est le premier point que je veux aborder.

I – L’homme est capable de Dieu, et Dieu est pédagogue

Il y a une vérité de foi : c’est que l’homme est capable de Dieu. Dieu nous a créés avec un esprit, une intelligence, et par notre esprit et notre intelligence, en regardant le monde et les autres, nous pouvons percevoir l’existence d’un Dieu créateur et d’un Dieu personnel, autrement dit, avec qui on peut entrer en relation. Il y a toutes sortes de religions qui existent depuis que l’homme est homme, qui nous montrent que, effectivement, il y a cette perception dans le cœur de l’homme, qu’il y a cette existence d’un Dieu tout puissant, d’un dieu créateur, d’un dieu personnel. Après, on voit aussi la diversité des religions, et on constate que ce qui est inscrit au fond de nos cœurs, eh bien, ce n’est quand même pas très précis… Parce qu’entre la civilisation aztèque, chinoise ou grecque, il y a quand même un monde ! Alors, pour en savoir plus, pour pouvoir entrer dans l’intimité, dans une vraie relation avec ce Dieu que nous avons perçu comme personnel, il va falloir que Dieu prenne les initiatives : nous ne pouvons rien savoir de plus par nos propres forces. Il faut que Dieu s’approche, et, vous le savez, Il s’est approché. Il est venu à notre rencontre, et l’Histoire sainte, l’Histoire entre Dieu et les hommes, commence avec Abraham. Abraham, lui, sait qu’il existe un Dieu, et tout d’un coup il entend cet appel : « Va, quitte ton pays, va dans un pays que je t’indiquerai. » Et il y va. Il fait confiance, et c’est pour cela qu’on dit qu’il est le premier des croyants : parce qu’il fait confiance. Et c’est intéressant parce que, tout au long de l’Histoire, on va découvrir deux choses : d’abord, que Dieu veut faire grandir en nous la foi, cette relation de confiance ; et puis, qu’Il ne nous donne pas tout d’un seul coup : Il va falloir un peu de temps pour percevoir pleinement ce qu’est Dieu.

Tout au début, à l’époque d’Abraham, Dieu se présente comme le dieu d’Abraham. Il ne précise pas encore qu’Il est seul Dieu. Pour cela, il va falloir attendre bien des années, même des siècles. Après avoir perçu que Dieu était le dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, donc d’une même famille, d’une famille étendue, un clan, Dieu va montrer à Moïse – à l’époque de Moïse – que Dieu est le dieu de tout un peuple, et qu’Il veut en prendre soin, de ce peuple. Mais là encore, les dieux de l’Égypte ne sont pas considérés par le texte biblique comme inexistants, ils sont juste moins puissants. Donc on a avancé : avant il y avait toutes sortes de dieux, et puis le dieu des Juifs, le dieu des Hébreux, était au milieu des autres ; et la pédagogie de Dieu nous fait découvrir que le Dieu des Hébreux est déjà plus grand, plus fort, plus puissant que tous les dieux. Mais la pédagogie de Dieu ne s’arrête pas là, on continue les étapes, et Dieu va se présenter comme le seul Dieu. Les autres dieux ne sont pas des dieux, mais des idoles, donc ça ne marche pas. Et, à ce moment-là, il y a la petite tentation des Hébreux de dire : nous avons le seul dieu, et tous les autres peuples méritent de disparaître. Parce que la réception humaine n’est pas toujours très bonne ! Le Bon Dieu nous envoie un message, et chez nous, ça grésille sur la ligne ! Étape suivante : Dieu se révèle non seulement comme le dieu unique, mais comme le dieu de tous. Ça, c’est une sacrée bombe ! C’est la première fois, dans l’Histoire de l’Humanité, qu’un Dieu est dit dieu de tous les hommes, et Il veut prendre soin de tous les hommes. C’est, par exemple, dans l’histoire de Jonas, qui est appelé à prêcher dans la ville de Ninive où il n’y a que des païens, mais Dieu lui dit : Moi, Je veux prendre soin de ces 40000 personnes, qui ne savent ni leur droite ni leur gauche. Et, tout au long de la Bible, on découvre que Dieu veut établir une relation personnelle, une relation, vraiment, avec nous ; pas une relation de maître à esclave : ça, c’était la spécialité des dieux païens : le nom « Baal » – qui est le nom du dieu qui entoure la région de la Palestine – veut dire maître, et la relation est une relation de maître à esclave. Dieu, lui, se présente comme Berger, Il se présente comme Père, Il se présente comme Fiancé.

II – L’évènement Jésus qui dévoile la Trinité

Et voilà à peu près là où on est, lorsqu’arrive Jésus.
C’est ma deuxième partie, on a fait un petit peu d’histoire pour arriver à l’événement Jésus. Celui-ci va nous annoncer quelque chose de nouveau : Il va confirmer que Dieu est bien unique, Il va confirmer que Dieu veut prendre soin du peuple des Hébreux, des Juifs, et veut prendre aussi soin de tous les hommes. Il va nous confirmer que Dieu est un berger, un Père, un époux, un fiancé ; mais plus que cela : Il va dire de lui-même qu’Il est la Parole de Dieu, qu’Il est le Verbe de Dieu, qu’Il est le Fils de Dieu, oui, qu’Il est le Fils. Celui qui reçoit tout du Père. Que le Père et Lui, ils sont Un. Et ça, pour les Juifs c’était un peu dur à avaler : eux qui avaient tellement insisté sur le fait que Dieu est unique, voilà que Jésus vient leur dire que Dieu est unique, Il est Un, mais que le Père et moi sommes Un ! Bon, les Juifs vont avoir du mal à recevoir cette Parole. Et le Père donne tout ce qu’Il est : c’est ça, le mystère de la Trinité.  Tout ce qu’Il est, Il le donne et, comme Il est Dieu, Il sait tout donner parfaitement, Il se vide complètement de Son être. Tout ce qu’Il est, et Il le donne au Fils. Et donc, le Fils reçoit tout du Père, le Fils n’existe pas si le Père ne donne pas. [Là, ça commence à chauffer, car cela n’est pas tout à fait possible pour nous]. Le Père donne tout, le Fils reçoit tout, cela ne marche qu’en Dieu. Entre le Père et le Fils, c’est la même réalité : Dieu qui donne, qui Se donne, qu’on appelle Père, et Dieu qui reçoit, qui Se reçoit, et qu’on appelle Fils. Et le cadeau que le Père fait au Fils, on l’appelle Esprit Saint, Souffle, Amour. Et cette notion qu’on appelle la Trinité – un mot de théologien, un mot que l’on ne trouve pas dans la Bible – cela veut nous dire une chose : c’est que « Dieu est Amour ». En fait, si Dieu n’est pas Trinité, s’Il est absolument unique comme un monolithe, comme un seul bloc, on ne peut pas dire qu’Il est Amour. On pourra, à la limite, dire qu’Il a de l’amour comme une qualité, quelque chose qu’Il donne et qu’Il reprend, quelque chose qu’Il donnerait à la partie droite de l’église mais pas à la partie gauche.

Dieu est Amour, Son être même, c’est d’aimer, de vouloir la joie et le bonheur de ceux qui sont autour de Lui. Le Père veut la joie et le bonheur du Fils, le Fils veut la joie et le bonheur du Père, l’Esprit Saint veut la joie et le bonheur du Père et du Fils. Ce mouvement d’amour au sein de la Trinité, on l’appelle avec un mot grec, « périchorèse », mais on pourrait traduire cela par « danse », la danse de Dieu. Comme la chorégraphie, sauf que là, c’est la ‘périchorèse’. Et dans cette danse de Dieu, qui est une danse d’amour, ou un tourbillon, eh bien, Dieu veut nous faire entrer.

Dieu veut nous faire entrer dans son mouvement, dans sa danse, et c’est la troisième partie que j’attaque.

III – Par le baptême, entrons dans la danse de Dieu

Il veut nous faire entrer dans Sa joie et dans Son amour ; c’est pour cela que Dieu s’est incarné en Jésus, pour nous inviter à entrer dans Sa danse. Et comme fait-on ? Eh bien, il nous faut accueillir le don de Dieu, le cadeau de Dieu, l’Esprit Saint, celui que nous avons fêté dimanche dernier, celui que nous avons voulu recevoir dimanche dernier pour être un peu plus ‘fils de Dieu’. Parce que, si nous recevons ce que le Père donne, nous devenons, comme Jésus l’est, fils. Aujourd’hui, Ombeline – [où est-elle ? Elle est loin derrière !] – a été accueillie dans la communauté des chrétiens au début de la messe, et là elle va recevoir ce don de Dieu, elle va recevoir l’Esprit Saint, elle va être comblée de cet Esprit et, du coup, elle va avoir ce cadeau de Dieu qui est la foi, comme une connexion, comme un port usb qu’on installerait sur un nouvel ordinateur ; cette connexion, qui nous permet d’être en relation avec le serveur central, qui est Dieu et qui veut Lui donner Son amour. Elle va être comblée de l’Esprit Saint et, du coup, elle entre dans la danse de Dieu. C’est cela, le mystère qui s’accomplit aujourd’hui : nous sommes invités à entrer au sein de la Trinité, dans l’intimité de Dieu. Alors, quand nous entrons dans l’intimité de Dieu, nous sommes le « moyen ». Finalement, la parole de saint Paul se réalise : « Vous avez en vous un Esprit qui fait de vous des fils. Et c’est en lui que nous crions Abba, père ». Oui, car si l’Esprit est venu en nous, nous sommes devenus comme Jésus. C’est justement cela, le cadeau du Père au Fils, c’est l’Esprit Saint, le cadeau du Père et du Fils à nous, c’est l’Esprit Saint. Donc, nous devenons comme Jésus, fils, et nous pouvons dire en vérité : Notre Père, Abba. Nous entrons vraiment dans une intimité avec Dieu ; et réjouissons-nous, car il n’y a que la foi chrétienne qui nous permet d’entrer dans cette intimité avec Dieu. Les autres religions ne le savent pas !

Alors, rendons grâce, remercions le Seigneur pour cela, et puis, aujourd’hui, alors que nous allons faire un nouvel enfant pour le Père, eh bien, prions pour que nous soyons tous de vrais fils et filles et de Dieu, que nous soyons vraiment, des relais, des témoins de Sa lumière et de Son amour.