Faites mémoire de votre joie

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Homélie du 3e dimanche de l’Avent, Année B, 13 décembre 2020
par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

I – dimanche en rose, dimanche de Gaudete, dimanche du « réjouissez-vous » !

« Frères, soyez toujours dans la joie » : c’est l’appel de saint Paul. Alors, nous allons essayer d’y répondre ; vous allez dire, comme moi, c’est difficile d’être dans la joie, et en ce moment en particulier ! Alors, les lectures sont là pour nous enseigner, et lorsque Isaïe s’écrie « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu », il le fait pour des raisons qui ne sont pas des raisons annexes.
Pourquoi tressaille-t-il, pourquoi exulte-t-il ? C’est parce que le Seigneur Dieu l’a consacré. Le Seigneur Dieu l’a oint, et Il l’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres et aux affligés, guérir ceux qui ont les cœurs brisés, etc. Il a envoyé Isaïe comme un prophète au milieu de son peuple, Il l’a revêtu des vêtements du Salut, Il l’a couvert du manteau de la justice. Ce don de Dieu, cette onction, c’est l’Esprit-Saint lui-même, Dieu lui-même qui vient habiter en Isaïe, c’est pourquoi il déborde de joie. Voilà la Bonne nouvelle, voilà la raison pour laquelle Isaïe se réjouit, voilà la raison pour laquelle saint Paul se réjouit, voilà la raison pour laquelle, même si ce n’est pas exprimé, Jean-Baptiste est dans la joie : parce qu’il est appelé par Dieu, et que Dieu lui donne Son Esprit.

Alors, vous allez me dire, oui, mais ça parle d’Isaïe, de saint Paul, de Jean-Baptiste, mais nous ?

Mais si ! Parce que nous, il y a quelques années, parfois pas beaucoup d’années, parfois un peu plus, parfois beaucoup plus, nous avons été baptisés. Et ce jour-là, nous avons été consacrés par l’onction, nous avons revêtu le vêtement du Salut, on nous a même mis un vêtement blanc, exprès, pour manifester cet amour de Dieu qui nous enveloppait tout entier. Alors, oui, nous pouvons nous réjouir, nous pouvons être dans la joie, parce que le Seigneur nous appelle, nous choisit, parce qu’Il nous aime. Alors, réjouissons-nous avec Isaïe, avec saint Paul !

II – Jean-Baptiste, ou la tentation du gourou

Et puis, aujourd’hui, les lectures nous pointent un peu vers Jean-Baptiste. Qui est-il ? Il est le cousin de Jésus, il a six mois de plus que Lui. Alors, cousins, ça ne veut pas dire qu’ils se connaissaient très bien, parce que la première fois qu’ils se sont rencontrés, ils étaient l’un et l’autre dans le ventre de leur mère, Jean a tressailli d’allégresse dans le ventre d’Élisabeth, mais depuis, est-ce qu’ils se sont vus ? Il y a peu de chances, car ils habitent à 90 km l’un de l’autre, et, à l’époque, il n’y a pas de voiture. Donc Jean, à ce moment-là, ne connaît pas encore Jésus. Alors, qui est-il ? Ce sont les prêtres de Jérusalem, les Juifs, les responsables qui se posent la question ; pourquoi ? Parce que Jean-Baptiste est fils de prêtre, et que normalement, en plus fils unique, il devrait être dans le temple pour remplir les fonctions de prêtre. Mais, il ne le fait pas. Il est parti dans le désert, il y est resté au moins 3 ans, peut-être plus. Il a choisi de s’isoler, d’entrer dans une forme de rupture de la relation. Il s’est auto-exclu de la société. Alors il est un peu bizarre… et en plus il mange des sauterelles, il est vêtu d’une peau de bête ! Et puis, un jour, il se met à parler. Et quand il parle, des gens l’entendent et des gens viennent le voir, et Jean-Baptiste les baptise – c’est d’ailleurs comme cela qu’il a pris son nom, Jean le baptiste, Jean le baptiseur -. Il baptise, et c’est une invention : c’est original, c’est une invention complète de Jean. Car si dans la religion juive, il y a bien une tradition d’ablution – on peut très bien se baptiser soi-même – c’est la première fois qu’un prophète arrive et dit ‘je vais te baptiser, je te plonge dans l’eau’. Donc, on s’approche de Jean, et on dit : « bon, puisque tu as toutes ces originalités, est-ce que par hasard »… et là, Jean coupe la parole : « Je ne suis pas le Christ. » C’est une résistance. Pourquoi dit-il cela tout de suite ? « Qui es-tu ? » « Je ne suis pas le Christ », c’est bizarre, de commencer comme ça ! Quand on vous demande « qui êtes-vous ? », est que vous répondez : « moi je ne suis pas… » ? Non, normalement, on commence par dire « Je suis ». Alors, peut-être que Jean a une tentation, comme on peut en avoir : il a quand même un certain succès, il a du monde qui vient le voir, même les autorités de Jérusalem viennent le rencontrer, il pourrait donc avoir la tentation de devenir gourou. En fait, il a beaucoup de caractéristiques du Messie attendu, celui que décrivait déjà Isaïe : « Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captives leur délivrance, aux prisonniers leur libération. » Jean le fait, cela. Et ça aurait été facile pour lui de se faire passer pour le Messie, pour le Christ attendu, et puis on l’aurait monté sur un pavois ! Mais non, Jean-Baptiste préfère couper court et, d’une certaine manière, il accepte de mourir à son orgueil. Ce choix de vérité, c’est aussi un choix d’humilité. Et puis, Jean acceptera encore de mourir, car un jour il lui faudra porter une parole auprès d’un puissant, le roi Hérode, lui dire la vérité, et le roi n’aimera pas beaucoup, cette vérité-là et le fera emprisonner et mourir, décapité, vous le savez. Et là, Jean accepte aussi cette mort-là. Pourquoi ?

III – Une voix qui porte une parole, la voix qui précède la Parole.

« Qui es-tu encore ? Es-tu Élie ? » Non, il n’est pas Élie, celui qui avait été annoncé comme précurseur, et qui reviendrait juste avant le Messie. « Es-tu le grand prophète ? » Non plus. « Qui es-tu ? » Et Jean répond : « Je suis la voix. La voix de celui qui crie dans le désert. » Il est la voix ! C’est bizarre, d’être une voix, car une voix, c’est quoi ? C’est un son. Ça ne porte de sens en soi, la voix seule. On peut entendre un cri de peur, un cri de détresse, mais, une voix seule, ça n’apporte pas beaucoup d’enseignement. Mais une voix porte une parole. Mais Jean se présente comme étant la voix. Il est simplement celui qui relaie cette parole qui n’est pas lui-même. Et c’est beau : on est au chapitre 1 de l’évangile selon saint Jean, on a le prologue. Le début de l’évangile que nous avons entendu est extrait de ce prologue, et la fin de l’évangile vient de la fin du prologue. Il y a un petit manque.

Dans le prologue, de qui parle-t-on d’abord ? « Au commencement, était la Parole, était le Verbe, et la Parole était Dieu, et la Parole était tournée vers Dieu. » Et, on continue : « il y eut un homme envoyé par Dieu, Jean, et le Verbe s’est fait chair. » Jean est là pour porter la Parole de Dieu. Viendra un moment où cette voix se taira, mais la Parole, elle, elle reste. Elle reste ! Nous le savons, c’est elle qui nous fait vivre aujourd’hui. Dans quelques instants, à quelques enfants du catéchisme qui sont par-là, je vais remettre « Parle Seigneur », autrement dit, des bons extraits choisis de la Bible et de l’Évangile. C’est la Parole de Dieu. C’est elle qui reste, et on est invité à s’en nourrir, à la lire souvent, à s’en remplir les yeux, les oreilles et le cœur. Surtout le cœur.

Cette Parole, c’est aussi elle qui se donne sur l’autel. Parole de Jésus : « ceci est mon Corps livré pour vous », et voilà que cette Parole prend chair pour nous. Et nous allons l’accueillir dans nos vies, la manger, la consommer, la transformer en nous, ou, plutôt, c’est elle qui nous transformera. Nous deviendrons, nous aussi, des Christ, et lorsqu’on nous demandera « qui es-tu ? » nous pourrons répondre : « je suis chrétien ». Le Seigneur veut nous combler de Son amour, Il veut nous remplir, nous consacrer par l’onction ; c’est déjà fait au jour de notre baptême, mais c’est renouvelé sans cesse, car Il nous aime. Et le cadeau qu’Il nous fait, vous le savez, ce n’est pas pour que nous le gardions égoïstement. Ce cadeau que nous recevons, il doit être transmis, relayé. « Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération. » C’est notre mission. Vous allez me dire qu’elle est un peu compliquée, cette mission. Et c’est là que saint Paul est de bon conseil : « Frères, soyez toujours dans la joie, priez sans relâche. » Mettez-vous en connexion avec la Parole de Dieu, accueillez Dieu dans vos vies, et tout le reste sera donné par surcroît. C’est Lui qui m’habille, c’est Lui qui me nourrit, c’est Lui qui me fait vivre, c’est Lui qui me fait rayonner, Dieu, lui-même, qui veut habiter dans mon corps, qui veut habiter dans mon cœur. Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entier. Le Seigneur est fidèle, Il ne se lasse pas de venir à notre rencontre, pour nous donner la joie, et pour que cette joie soit donnée à tous ceux qui sont autour de nous, qui sont là.

Alors, ce soir, alors que nous entrons dans cette troisième semaine de l’Avent, nous voulons accueillir la joie de Dieu dans nos vies ; et alors, comblés de cette joie, elle débordera de nous, et nous pourrons chanter avec la Vierge Marie « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur. »