La conscience et le péché

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Homélie du 1er dimanche de carême, Année A, 1er mars 2020
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

Voilà des textes précieux en ce premier dimanche de Carême. On revient aux origines dans le livre de la Genèse, aux chapitres 2-3, et on entend cet épisode de la tentation des premiers hommes, Adam et Eve : l’humain est tenté. Vous savez, il a été créé par Dieu à l’image de Dieu : Dieu envoya en lui un souffle de vie, son Esprit. L’homme à l’image de Dieu ; et il l’est d’autant plus qu’il est, en alliance, homme et femme. L’image plénière, elle est là, dans cette alliance de l’homme et de la femme. L’homme est véritablement un être vivant ; à ce titre là il ressemble à Dieu.

I – le péché, c’est vouloir prendre ce qui est donné

Et voilà que le Satan, le Serpent, le Diable, s’approche, et leur propose quelque chose d’extrêmement intéressant : « si vous prenez de ce fruit, celui qui permet de connaître le bien et le mal, si vous prenez ce fruit là, vous serez… comme des dieux ». Et c’est un peu étonnant, quand même, comme tentation : parce que le serpent propose à Adam et Eve ce qu’ils ont déjà ! Ils sont déjà à l’image de Dieu !  Et le serpent leur dit : oui, mais le chemin que Dieu vous propose, Dieu, pour cela,  il n’est pas très intéressant. Il est mieux que vous alliez vous servir… Eh oui, ils sont tentés, ils entrent en tentation, et ils se saisissent du fruit… C’est ça, le cœur du péché : c’est lorsque, au lieu de recevoir ce qui nous est donné, on cherche à le prendre, à l’accaparer, à mettre la main dessus ; à se faire finalement les maîtres de ce que nous devrions recevoir comme un cadeau. La tentation est entrée dans le monde à la création du monde, et le péché, par le fait, est entré dans le monde ce jour-là. Il y avait un choix : il y avait le choix de dire « non, je refuse, je reste dans l’accueil de ce que me donne Dieu, ou je me sers » : le choix qui a été fait… et que nous refaisons chaque jour : et non, je mets la main, je m’empare.

Alors, Jésus, lui aussi, il est un homme, pleinement homme, et comme tous les hommes, comme nous, comme chacun de nous, il est tenté. Et les tentations qu’il reçoit, ce sont les mêmes que nous ; ce sont aussi les mêmes que celles d’Adam et Eve ; et c’est le diable qui s’approche, et il est présenté comme cela : c’est intéressant, parce que le diable, en grec, diabolos, c’est celui qui divise ; le Satan, – là encore c’est l’Évangile qui nous parle de Satan- le Satan, en hébreu, c’est celui qui accuse et qui condamne. Qu’est-ce qui s’est passé, juste après le péché d’Adam et Eve ? Ils ont vu qu’ils étaient nus… et cela les sépare l’un de l’autre…. et plus encore juste après : ils entendent le pas du Seigneur dans le jardin, et ils se cachent. « Nous avons eu peur, quand nous avons entendu approcher ». Les voilà coupés de Dieu. Voilà les conséquences du péché : c’est ce qu’on appelle la mort spirituelle. Parce que la vie, être vraiment vivant, c’est être en relation : ce n’est pas simplement une question de respiration, ou de nourriture, de croissance, ou même de déplacement : non, être vraiment vivant, c’est aimer et se laisser aimer. Et le péché, eh bien  c’est un manque d’amour, un défaut d’amour : c’est lorsque je ne reçois pas et que je cherche à prendre. Et donc Jésus est tenté : lui aussi, on lui propose de se saisir : si tu es fils de Dieu, transforme ces pierres en pains ! Oui… Vous remarquerez que la tentation est fine – comme toutes les tentations ! – généralement, quand on est tenté par quelque chose, on a cette inclination : une inclination à vouloir saisir, au lieu de se mettre en disposition de réception ; cette inclination à vouloir saisir – l’objet qui nous intéresse, généralement, il est bon – au bout de quarante jours  et quarante nuits de jeûne, il est plutôt normal d’avoir faim, et il est plutôt normal de vouloir de se nourrir : et vous pourrez chercher à peu près tous les péchés qu’on a autour de nous : dans tout ce qui nous tente, globalement, l’objet, il est bon, ou neutre… Il y a quelques fautes, quand même, qui font partie des choses vraiment mauvaises. Mais, parfois, il y a la question des circonstances : tout n’est pas bon tout le temps, tout n’est pas bon partout…. Et c’est la manière dont nous nous approchons de ces objets, qui en fait un acte bon ou un acte mauvais. C’est notre intention, qui compte… notre intention qui compte. Alors, Jésus, on lui propose ces pierres, pour qu’elles deviennent du pain ; il en a le pouvoir, il est Fils de Dieu, et Satan le sait bien. Mais, ce n’était pas le moment. Quelques jours plus tard, Jésus sortira du désert, et il mangera normalement, et on le verra manger avec ses disciples. Mais ce n’est pas le moment : ce moment-là, c’était un temps pour Dieu, un temps – le jeûne – où nous choisissons de nous passer de nourriture pour ressentir la faim, avec trois objectifs : nous faire réaliser que le plus essentiel dans nos vies, ce n’est pas d’avoir le ventre plein ; le plus essentiel dans nos vies c’est d’être tourné vers Dieu, que nous puissions aussi vivre une expérience ensemble :  quand on jeûne, si l’Eglise nous demande de jeûner deux fois dans l’année, le mercredi des Cendres et le vendredi  Saint, c’est pour que nous puissions le faire ensemble, comme un acte commun ; et puis c’est aussi un acte de fraternité avec tous ceux qui n’ont pas le choix, ceux qui, eux, ont faim ; ça permet d’ouvrir nos esprits et nos cœurs.

II – L’essentiel, c’est la Parole de Dieu, qu’il faut recevoir

Jésus répond par la Parole de Dieu, et rappelle ce qui est le plus essentiel : la Parole de Dieu : c’est elle qui nous nourrit le mieux ; ça ne veut pas dire qu’il faut forcément se passer complètement de repas ! Mais il faut savoir le mettre à la bonne place. Tentation du pain ; tentation de la gloire : jette-toi en bas, et là la foule t’acclamera : tentation d’un orgueil : j’ai besoin de reconnaissance… ce n’est pas mauvais d’être reconnu ! mais là encore, il y a manière de l’être… Jésus répond encore par la Parole de Dieu : tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. Et puis il y a cette tentation de la puissance et du pouvoir : « Arrière, Satan ! C’est le Seigneur Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte ». Toutes ces tentations-là, nous, quand on les vit, elles ne nous sont généralement pas proposées de façon aussi nette. Et pourtant il nous faut aussi faire un choix : décider, décider d’aimer,  décider de se mettre en réception ; parce que, le pouvoir, Dieu va le donner à Jésus : le Père donne à Jésus, son Fils, pouvoir sur toutes les nations : mais pas à la manière de Satan. Dieu le Père donne à son fils Jésus la gloire et la reconnaissance : mais pas à la manière de Satan. Dieu donne à son Fils – et à nous tous, cette fois – la satisfaction de tous les besoins : mais là encore, pas à la manière de Satan.

III – la Conscience, à écouter et à former

Alors il nous faut discerner. Parce que le but, c’est de faire grandir l’Amour. Et comment est-ce que l’on discerne ? On discerne à l’aide de notre conscience. Vous savez ce  que c’est-ce que la conscience ? « La conscience – le Catéchisme le dit, dans la formulation du Youcat – la conscience, c’est la voix intérieure, présente au cœur de l’Homme, et qui lui enjoint absolument d’accomplir le bien, et d’éviter le mal ; c’est la capacité aussi de distinguer l’un de l’autre ». Nous avons été créés avec une conscience : elle est en nous, cette voix qui nous dit  ‘fais le bien et évite le mal’, cette voix qui nous dit ‘ça c’est bien, et ça, c’est mal’, elle est en nous. Et il y a une chose qui est précieuse au cœur de chaque homme, c’est cette conscience. Elle est tellement précieuse que c’est la loi absolue qu’on ne peut pas, qu’on ne doit pas, qu’il ne faut pas franchir. Je dois toujours obéir à ma conscience, et je dois toujours laisser l’autre obéir à sa conscience. Alors, vous allez me dire : oui, mais il y a des gens qui ont une conscience un peu pervertie, des gens qui appellent mal ce qui est bien et bien ce qui est mal.
Et c’est vrai. Petit exemple : les Aztèques, dans les années 1500 : ils ont comme usage pour prier Dieu – prier Dieu, c’est plutôt une bonne idée ! – de faire des sacrifices humains. Et leur culture leur explique que faire des sacrifices humains pour prier Dieu, c’est bien. Et quand on fait ça depuis  500, 600, ou 1000 ans, est-ce qu’il est possible de concevoir que ça peut être mal ? Nous, nous le savons, parce que nous avons été éclairés, nous avons une conscience illuminée par le Christ, par Dieu, par toute la Bible : ce sont ces paroles de Dieu qui nous sont données ; vous connaissez les 10 commandements…. c’est la manière que Dieu a choisie pour éclairer notre conscience : ‘tu ne commettras pas de meurtre’ ! En retenant le bras d’Abraham : le sacrifice humain, ce n’est pas ce  que Dieu désire. Cette conscience, de fait, Dieu nous l’éclaire. Jésus illumine encore notre conscience dans l’Évangile ; et ces dernières semaines nous entendions le discours sur la montagne : « les anciens vous ont dit….et Moi je vous dis plus, et mieux ». Accueillir cette Parole de Dieu pour que notre conscience soit éclairée, pour qu’elle progresse, qu’elle distingue mieux ce qui est bien et ce qui est mal. Un autre exemple, plus concret, plus récent, plus contemporain : il y a des gens qui, en conscience, sont absolument certains que l’avortement n’est pas un mal. La conscience éclairée permet de dire : si, l’avortement est un mal. La question – le but, ce n’est pas de forcer la conscience des autres – la question, c’est comment permettre d’éclairer les consciences, comment être un témoin, comment donner cette Parole de Dieu qui est une parole de vie, une parole de libération ? Et il est facile d’entrer dans une logique un peu perverse : quand j’avais 13 ans, je ne fumais pas, et ma maman fumait ; et j’étais à la maison un tyran insupportable pour ma maman : parce qu’elle fumait, et ce n’était pas bien du tout ! et à 13 ans on est capable d’être très pénible ! Et puis il se trouve qu’à 15 ans, j’ai moi-même commencé à fumer ; et là, finalement, ce n’était pas si mal… En fait on a aussi cette capacité-là de nous aveugler nous-mêmes sur ce qui est bien ou ce qui est mal… et quand on dit bien ou mal, ce n’est pas une question de permis ou défendu : comme dit saint Paul, « tout est permis ! Mais tout n’est pas profitable » Quand on pose la question du bien et du mal, c’est : est-ce que c’est le chemin de la joie et du bonheur, ou est-ce que c’est le chemin de la division, de la tristesse, de la séparation ?

Alors en ce début de Carême, je vous donne cette petite réflexion sur la conscience, sur le péché, sur notre combat avec nous-mêmes et contre le monde extérieur aussi qui vient nous proposer des tentations. Tout au long de ce Carême nous sommes invités à reposer notre conscience devant le Seigneur, à lui demander tout simplement : Seigneur, viens éclairer notre conscience ! Et le Seigneur, on peut être certain d’une chose, c’est qu’il l’éclaire, oui : et  puis il nous dit aussi : oui, mais Je t’ai donné aussi une intelligence, une volonté, une mémoire, donc tu vas aussi travailler un peu ! De ce point de vue-là, une petite histoire : c’est un prêtre, qui a décidé qu’aujourd’hui il allait laisser parler l’Esprit Saint, et donc il a décidé de ne pas préparer son homélie – ce n’est pas moi ! – Et donc, à la fin de l’Évangile, il se prépare à parler, et il dit au Saint Esprit : Saint Esprit, viens éclairer mon cœur, que je leur dise les bonnes paroles… Et le saint Esprit lui a répondu : eh bien, commence par leur dire que tu es un paresseux ! Pour nous, c’est pareil : l’illumination de notre conscience, c’est un cadeau de Dieu, mais ça implique que nous nous y mettions aussi !

Alors, laissons-nous toucher par le Seigneur. Profitons des merveilles que sont les textes pendant  tout ce Carême ; on a de la chance, cette année, année A, ce sont les grands évangiles du parcours de catéchuménat, du baptême. Et pendant ces 6 semaines, nous allons pouvoir nous laisser toucher par Dieu, et peut-être re-méditer sur notre baptême, sur ce don que Dieu nous a fait, de faire de nous,  pleinement, des fils ; des fils connectés à Jésus, Lui qui est Sauveur du monde ; alors laissons-nous aimer, et aimons : il n’y a que cela qui compte.