Sanctuaires de Dieu et pécheurs !

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Homélie du 7e dimanche du Temps ordinaire, Année A, 23 février 2020
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

I – « Vous êtes sanctuaires de Dieu », et la cohérence de la vie chrétienne

 « Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » Saint Paul ne passe pas par quatre chemins, il nous dit « vous êtes un sanctuaire de Dieu » et il s’adresse aux membres de la communauté des Corinthiens. Il faut savoir qu’à Corinthe au Ier siècle – je ne sais pas si vous voyiez où est Corinthe ? On a la Grèce, qui est attachée au continent, et puis, en dessous, il y a l’isthme de Corinthe, puis le Péloponnèse. Et la ville de Corinthe est sur l’isthme, où il y a la mer, à droite et à gauche, à l’est et à l’ouest, et les bateaux passent par-là : on les décharge, puis on les monte sur des rondins pour les faire passer de l’autre côté de l’isthme, et puis on les remet à l’eau. Et pendant ce temps-là les marins sont dans les bars : ils font ce que font les marins dans les ports… ils boivent et ils reboivent… Et du coup ils ont une vie morale… moyenne. Et les Corinthiens qui sont les tenanciers des bars, eh bien, leur vie morale, elle aussi, est moyenne. Et saint Paul leur dit : « vous avez été choisis par Dieu, vous êtes baptisés ! Vous êtes des sanctuaires de Dieu, donc, il faut mettre en cohérence ce que vous êtes et ce que vous faites, ce que vous êtes et ce que vous pensez, ce que vous êtes et ce que vous devez rayonner ».

Alors, je pense que vous êtes comme moi et que vous avez suivi l’actualité, en particulier hier où, une fois de plus, un chrétien, un responsable, un témoin, eh bien, on découvre qu’il n’était pas pleinement lumineux. Vous le savez, Jean Vanier donc a commis des abus sur un certain nombre de personnes plus faibles que lui. On entre dans ce mystère de la cohabitation du bien – et vous savez que l’Arche est une belle œuvre et qu’elle fait beaucoup de bien – et du mal, des ténèbres, et on voit que Jean Vanier certainement n’a pas été pleinement le sanctuaire qu’il devait être. Et il n’a pas non plus pris soin des autres et des femmes avec qui il était en relation, comme le sanctuaire, comme la perle précieuse du Seigneur. Alors, oui, nous sommes encore une fois blessés et touchés par ce témoignage. Un contre-témoignage absolu. « Vous êtes un sanctuaire de Dieu et l’Esprit Saint de Dieu habite en vous ». Alors, peut-être parmi nous la tentation première est celle de juger et de condamner : et pourtant Jésus nous appelle à ne pas condamner. C’est compliqué, hein ? Encore une fois, il nous faut porter le péché d’un autre… Alors, dans notre cœur, peut-être d’abord, une grande tristesse, puisqu’un chrétien, qui est destiné à être lumière pour le monde – nous l’avons médité au cours des derniers dimanches – eh bien, quand il agit à l’inverse de sa mission, de son être, il devient au contraire un trou noir qui absorbe toute lumière. Donc, une grande tristesse, parce que nous ne sommes pas faits pour cela. Et puis une grande compassion. Compassion d’abord pour les victimes, évidemment ; et puis une grande miséricorde, pour les coupables – parce qu’il n’y en a pas qu’un, vous le savez – grande miséricorde, parce que ce qu’il y a dans le cœur d’un homme, nous ne le connaissons pas, mais si nous creusons un petit peu ce qu’il y a dans notre propre cœur, si nous n‘avions pas reçu ce que nous avons reçu, que ce soit d’éducation, de rencontres, que ce soit d’enseignement, peut-être que nous serions capables de la même chose… Alors, accueillons la miséricorde de Dieu pour nous, soyons-Lui reconnaissants de ne pas poser ce type d’acte, et puis prions pour les coupables, car eux aussi ils sont sanctuaires de Dieu, et ils sont invités à se laisser transformer par le Seigneur.

II – « Soyez saints, car moi, Je suis saint »

Vous l’avez entendu, c’était la Première Lecture : dans ce livre des Lévites, ce livre des prêtres, le Seigneur parle à Moïse et dit « Soyez saints, car Moi, le Seigneur votre Dieu je suis saint. » Qu’est-ce que c’est qu’être saint ? C’est d’abord une qualité de Dieu seul. Pendant toute la durée de l’Ancien Testament, le mot saint, c’est d’abord celui qui est loin, tellement différent de nous. Eh oui, Dieu est tellement différent de nous ! Mais, on va découvrir tout au long de l’histoire biblique, et puis grâce à Jésus, grâce au Nouveau Testament, que Dieu, sa sainteté, est Amour, et qu’au contraire, Il se fait tout proche « Soyez saints, car moi le Seigneur votre Dieu, Je suis saint. » Et là, sans penser aux grands maux, on pense à nos vies personnelles, à nos petites vies du quotidien et on se pose la question : « Est-ce que je suis saint parce que le Seigneur est saint ? Est-ce que je ne suis qu’amour ? Est-ce que je ne suis que prêt parce que je suis là pour donner la joie et le bonheur à ceux qui sont là, près de moi ? » Et il suffit de se poser la question pour se rendre compte qu’il y a une petite inadéquation. On n’est pas très ajustés ! tous ! Alors on essaie de suivre les commandements de Dieu, ces balises qui nous sont données comme un chemin : « Tu ne haïras pas ton frère, tu ne te vengeras pas, tu aimeras ton prochain comme toi-même. » C’est ça le chemin de la sainteté ! Et tout l’Ancien Testament nous le dévoile, et nous découvrons que nous ne savons pas faire.

III – Laissons-nous parfaire par la Parole du Seigneur

Alors, nous avançons, et Jésus sur la Montagne des Béatitudes, nous indique le chemin de la joie et du bonheur « Heureux, heureux les pauvres de cœur, heureux les doux, heureux ceux qui pleurent, heureux les persécutés, heureux ceux qui ont faim et soif de la justice… » Sur cette montagne, où Dieu nous dévoile le chemin de la joie, Jésus nous invite à faire un pas de plus, et ce pas de plus : « Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père est parfait. » Et là, on se dit : « facile ! » ? Non ? on ne se dit pas « facile » ! Mais, Jésus prend soin d’utiliser le mot ‘parfaire’, Il prend soin de le mettre au futur. Et, vous savez, parfaire quelque chose, c’est un travail qui n’a jamais de fin. Nous pouvons travailler longtemps pour que cela atteigne la perfection, mais, en fait, ça n’est jamais fini. Cette perfection à laquelle nous sommes appelés – nous le savons – ne trouvera son achèvement que dans le face à face avec le Seigneur après notre mort. Mais, aujourd’hui, nous sommes invités à faire petits pas par petits pas, ces petits efforts qui laissent Dieu entrer en nous. C’est Dieu qui fait de nous des saints, c’est Dieu qui nous ‘parfait’. « En celui qui garde la parole du Christ, l’amour de Dieu atteint vraiment sa perfection. » Il s’agit pour nous chaque jour d’accueillir la parole de Dieu dans nos vies, et de nous laisser transformer par elle, parce que la parole de Dieu est efficace. Tout à l’heure, dans quelques instants, par ma voix, Dieu va parler et dire : « Ceci est Mon corps », et ce sera Son corps, « ceci est mon sang », et ce sera Son sang. Dans quelques semaines, le Christ parlera par ma bouche sur ces petits enfants et dira « Je te baptise ». Oui, ils seront, à ce moment-là, images de Dieu, frères du Christ.

Alors, en ces jours où l’actualité n’est pas très réjouissante, demandons au Seigneur de venir faire son travail dans nos cœurs, que nous acceptions de nous laisser changer, de nous laisser bousculer par Lui. Que nous acceptions de prendre soin, même de celui dont je n’ai pas bien envie de prendre soin, que nous acceptions d’être finalement ceux qui laissent vraiment passer la lumière et qui, courageusement, luttent contre tous les germes des ténèbres qui restent malgré tout en nous. Demandons au Seigneur Sa force et Sa grâce, car Lui seul peut faire de nous des saints.