4e dimanche de l’Avent A – Obéissance ?

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Homélie du 4e dimanche de l’Avent, Année A, 22 décembre 2019
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.

I – L’attente du roi-messie

En ces jours-là, à l’époque du roi Acaz, on est dans les années 700 avant JC, et la situation n’est pas bonne du tout pour la ville de Jérusalem et le royaume de Juda – on fait un peu d’histoire – : elle n’est pas bonne du tout parce que Jérusalem est assiégée par ses voisins qui voudraient embaucher Jérusalem et le royaume de Juda dans une alliance contre l’ennemi assyrien. Et Acaz est un peu perdu : il est tellement perdu qu’il ne fait plus vraiment confiance à Dieu. Et du coup il se demande si d’autres dieux ne seraient pas plus puissants ; alors il prie tous ces dieux des voisins, et il fait même une chose atroce : il offre en sacrifice son fils premier-né, son fils unique, à un faux dieu… Alors le prophète Isaïe vient secouer Acaz en lui disant : « qu’as-tu fait ! Compte sur le Seigneur, Lui seul peut te sauver, compte sur Lui ! » Et vous avez entendu la réponse d’Acaz : « non, non, je ne demanderai rien, je ne mettrai pas le Seigneur à l’épreuve ». Acaz veut bien mettre des dieux, Baal et autres, à l’épreuve, mais le vrai Dieu, non ! En fait, Acaz a déjà choisi de ne pas écouter le Seigneur… Et donc Isaïe s’exclame : « il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes, il faut que vous fatiguiez mon Dieu ! » Parce que la promesse de Dieu, l’alliance avec David et tous ses successeurs, visiblement, Acaz n’en a rien à faire. Et donc Acaz ne peut plus parler de son Dieu, pour parler du Seigneur. Mais Dieu lui-même est fidèle – Il ne se lasse pas d’être fidèle – et Il va envoyer un signe : la jeune femme, la jeune épousée, elle va avoir un fils, et ce fils, ce sera le successeur, ce sera le bon roi, et on le connaît dans l’histoire, il s’appelait Ézéchias ; cette parole d’Isaïe, elle va résonner : effectivement Ézéchias va naître, et effectivement ce sera un bon roi, qui va rétablir l’alliance entre Dieu et son peuple. Mais cette parole, quand elle sera relue par le peuple d’Israël, va prendre une résonnance plus large et plus grande : parce que les rois qui ont succédé à Acaz et à Ézéchias n’ont pas été tous très bons : ils n’ont pas été tous très fidèles…Alors nous attendons un Roi, un nouveau Roi, qui viendra et sera véritablement Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous.

II – un choix chrétien : l’obéissance

Voilà, dans cette première lecture, nous entendons un acte de désobéissance, celui d’Acaz, et une invitation, par Isaïe, à l’obéissance. Et c’est peut-être bien le thème de ce dimanche : obéissance… C’est un mot – je pense que vous êtes d’accord avec moi – c’est un mot qui n’a pas très bonne réputation : obéir… Pour moi qui ai été dans l’Armée, obéir, ça correspond souvent à déposer son cerveau et à dire : « oui, chef ». Évidemment, quand on parle d’obéissance en chrétienté, en christianisme, on ne parle pas tout-à-fait de la même chose ! Et, bien, bien, bien des siècles plus tard, saint Paul qui s’adresse à nous, nous parle de cet Évangile que Dieu avait promis d’avance par ses prophètes dans les Saintes Écritures, cet Évangile, cette bonne nouvelle, cette heureuse annonce, cette annonce qu’un Roi va venir ; cette annonce, elle s’accomplit en Jésus ! Et saint Paul nous invite à l’obéissance de la foi !

Alors, qu’est-ce que c’est qu’obéir ? Peut-être que si on cherche un peu la racine, la racine latine : ob-audire en latin, ça veut dire tout simplement écouter : écouter, avec ses oreilles, avec son cœur ; écouter en recevant la Parole qui nous est donnée comme une parole bonne ; accueillir cette Parole avec bienveillance. Et de fait, vous le savez, quand on s’approchera de Jésus pour lui demander quel est le plus grand des commandements, dans saint Marc, Il répond : « écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’Unique : tu l’aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit ; et tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Écoute ! Accueille la Parole qui t’est donnée, et accueille-la en cherchant à la mettre en œuvre ; accueille-la parce qu’elle est bonne pour toi. Alors, cette obéissance par rapport à Dieu, eh bien, on la comprend ; mais l’obéissance, ce n’est pas seulement par rapport à Dieu, c’est aussi une vertu que nous pouvons mettre en œuvre dans notre vie quotidienne, les uns avec les autres. Quand je reçois des jeunes couples qui se préparent au mariage, je leur parle justement de cette obéissance qu’ils sont invités à vivre. Obéir, quand on est un foyer, quand on est mari et femme, c’est accueillir la parole de l’autre, en ayant cet a priori positif que cette parole est bonne pour moi. Ça ne me dispense pas de mettre en route mon intelligence, ça ne me dispense pas de mettre en route ma volonté : en fait, je reçois cette parole, et je la fais mienne : c’est ça, obéir ! Dieu, qui s’adresse à Acaz, invite Acaz à changer sa vie, et à faire confiance, à écouter, et à mettre en œuvre. Saint Paul, qui nous prêche l’obéissance de la foi, nous invite à faire confiance à Dieu et à tous les intermédiaires qu’Il utilise : les intermédiaires qu’Il utilise en premier lieu, c’est cette Parole qui nous est donnée dans ce livre ; il y a aussi les prophètes, les apôtres, les saints, les évêques…Nous sommes invités à nous mettre à l’écoute de la Parole qui nous est donnée de la part de Dieu…C’est un peu difficile, d’autant plus que notre société actuelle a une sorte d’allergie à l’obéissance…alors que recevoir la parole de l’autre, c’est le premier pas, la première nécessité pour entrer en relation ! En fait, l’obéissance, c’est une condition d’un amour vrai : si je veux me donner à l’autre, je dois aussi pouvoir le recevoir, tel qu’il est, et donc de me mettre dans une posture qui est celle… de l’obéissance.

III – Joseph, l’obéissant

Et c’est là que nous arrivons à l’Évangile : nous avons Joseph ; Joseph, il est promis en mariage à Marie, et Marie, il la connaît comme toute pure, toute humble, sage, et attentive à la Parole du Seigneur, à l’écoute… et donc, quand il la voit enceinte, il y a pour lui, d’abord et avant tout, une crainte – c’est ce que l’Ange lui dira : « sois sans crainte ».  Pourquoi cette crainte ? Parce qu’il lui semble bien que dans l’histoire de Marie enceinte, Dieu est dans l’histoire, et si Dieu s’en occupe, lui, Joseph, qui est-il ? Peut-être qu’il faut qu’il prenne un pas de recul…et c’est ce qu’il veut faire : il choisit en son cœur de la renvoyer en secret. Et alors que rien encore n’est annoncé, dans son sommeil, un ange vient à sa rencontre : « L’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas ». ‘Ne crains pas, parce que c’est toi qui as été choisi pour être père, éducateur, de Jésus, Jésus que tu vas nommer !’. Joseph, à ce titre-là, est pleinement père de Jésus ; il va lui transmettre tout ce qui est son humanité ; comme tous les pères, il va accompagner Marie et Jésus pour le faire grandir ; comme tous les pères il va transmettre son métier, on le sait : Joseph le charpentier va transmettre son métier à Jésus : « N’est-il pas le charpentier de Nazareth ? »
Et Joseph, à cette parole, obéit : il accueille cette Parole de Dieu, et il la fait sienne ; il va devenir pleinement acteur de sa vie, sans résistance. D’une certaine manière, je dirais que Joseph est l’anti-Acaz : ce roi d’Israël qui avait déjà tout décidé en son interne, et qui refuse de se remettre en cause face à la Parole de Dieu ; Joseph, fils de David, lui, remet en cause toute sa vie, parce que Dieu l’appelle, parce que Dieu lui demande d’être père de Jésus. « Et quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse ».

Obéir, c’est accueillir

C’est ce qu’on peut tirer de ce texte : cette obéissance, qui est une vertu ; non pas une obéissance servile, qui serait celle de l’esclave face au maître, non, mais l’obéissance filiale ; parce que Dieu fait de nous ses enfants : Il nous a créés pour nous aimer, Il nous donne tout ce qu’Il est pour que nous soyons comme Lui. Il nous invite à entrer dans une relation de Père à fils. Et comme Joseph était artisan et a transmis à son fils son métier et son affaire, nous sommes nous aussi invités à entrer dans les affaires de Dieu. Le projet de Dieu, c’est le salut du monde, et nous sommes invités à entrer pleinement dans ce projet, à le faire nôtre. Le salut, nous le savons, ne se fera pas sans nous : Dieu nous aime, mais Il ne peut nous aimer, ou en tous cas nous ne pouvons recevoir et vivre de cet amour, que si nous l’accueillons, cet amour…

En fait, on parle d’obéissance : c’est un mot toujours mal vu ; peut-être qu’on pourrait le remplacer par « accueillir ». Je veux accueillir le projet de Dieu pour moi ; et ce projet, c’est que tout homme soit sauvé, c’est que tout homme vive dans l’amour, c’est que tout homme aime et puisse se laisser aimer. Et du coup, il nous faut être des témoins. Dans quelques jours, Noël : Noël, c’est l’invention du cadeau de Noël, et c’est Dieu qui a inventé ce cadeau-là. Ce cadeau, c’est Dieu tout entier qui se donne, en Jésus. Un signe, un petit-signe, un enfant tout petit dans une crèche. Un signe, un signe misérable, un homme sur une croix. Un signe, un Ressuscité que personne n’a vu en train de ressusciter. Un signe, l’Eucharistie sur cet autel. Un signe qui nous appelle à aimer, et à nous laisser aimer.